Qu’est-ce que le taux de pauvreté ?
Avant d’analyser les chiffres, il est essentiel de définir ce que les économistes appellent le « taux de pauvreté monétaire ». Cet indicateur mesure la part de la population vivant avec un revenu disponible inférieur à 60 % du niveau de vie médian de l’ensemble de la population. En France, le seuil de pauvreté est de 1 288 euros par mois pour une personne seule en 2023. En d’autres termes, il s’agit des personnes dont les revenus sont significativement inférieurs à ceux du citoyen « typique ».
D’autres instituts utilisent un autre seuil pour définir la taux de pauvreté : l’Observatoire des inégalités, par exemple, privilégie un seuil de 50 %.
Selon l’Insee, ce taux de pauvreté s’établit à 15,4 % de la population en France métropolitaine en 2023, ce qui représente une augmentation notable d’un point par rapport à 2022.
Cette hausse s’explique principalement par deux phénomènes. D’une part, la non-reconduction de certaines mesures mises en place en 2022 pour soutenir le pouvoir d’achat, comme l’indemnité inflation ou la prime exceptionnelle de rentrée scolaire, a pesé sur le revenu des ménages les plus fragiles. D’autre part, les revenus d’activité des personnes les plus modestes ont connu une évolution défavorable, notamment pour les travailleurs indépendants dont les revenus se sont contractés et en raison d’une augmentation du temps partiel très court.
L’intensité de la pauvreté, une nuance importante
Si le nombre de personnes considérées comme pauvres a augmenté, un autre indicateur apporte une nuance : « l’intensité de la pauvreté« . Cet indicateur mesure à quel point le niveau de vie médian des personnes pauvres est éloigné du seuil de pauvreté. En 2023, l’intensité de la pauvreté s’est très légèrement réduite, s’établissant à 19,2 % (contre 19,4 % en 2022). Cela signifie que, en moyenne, le niveau de vie des personnes pauvres se situe 19,2 % en dessous du seuil de pauvreté. Autrement dit, le nombre de personnes pauvres augmente, mais la sévérité de leur pauvreté est moins forte.
Des situations très contrastées selon le statut des ménages
L’analyse détaillée de l’Insee révèle des réalités très différentes selon le statut d’activité des individus. Les retraités apparaissent comme une catégorie relativement préservée : leur taux de pauvreté augmente plus modérément que celui de l’ensemble de la population, et son niveau est bien en dessous de la moyenne (11,1 %). Leur niveau de vie a été soutenu par la revalorisation de certaines retraites complémentaires et par la progression des revenus du patrimoine, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.
D’autres catégories sont particulièrement touchées, comme les familles monoparentales, qui ont souffert de l’arrêt de certaines aides et de l’inflation. Leur taux de pauvreté a augmenté de presque 3 points, s’élevant à 34,3 % en 2023.
Le périmètre de l’étude sur la pauvreté
Il est crucial de noter que ces chiffres, bien que préoccupants, ne couvrent que les personnes vivant dans un logement ordinaire en France métropolitaine.
Le logement ordinaire est défini par opposition à un logement en résidence offrant des services spécifiques (résidences pour personnes âgées, pour étudiants, de tourisme, à vocation sociale, pour personnes handicapées…).
Autrement dit, l’étude ne considère pas (en partie pour des raisons d’accès aux données et de comparaison) la population des outre-mer, les retraités en Ehpad, les étudiants ou les foyers en mobil-homes par exemple. L’Insee estime d’ailleurs que si l’on élargissait le champ à l’ensemble de la France et à d’autres populations précaires, le nombre total de personnes en situation de pauvreté monétaire serait bien plus élevé.