Le paradoxe de la stagnation du chômage en 2020

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Selon des données publiées par l’INSEE, le taux de chômage s’établissait fin 2020 en France à 8 %, soit un niveau similaire à la situation pré-Covid et ce malgré une récession d’une ampleur sans précédent. Pour expliquer ce paradoxe, il est nécessaire de revenir sur la définition même du chômage.

Évolution du chômage en France en 2020

Les données publiées par l’INSEE lundi 15 février font apparaître un paradoxe : malgré la plus forte récession que la France ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale, le taux de chômage n’a pas progressé au cours de l’année 2020. Il aurait même légèrement diminué !

La France comptait, en effet, 2,35 millions de chômeurs au quatrième trimestre de l’année 2020, contre 2,41 une année plus tôt. Le taux de chômage est ainsi resté stable sur l’année à environ 8 % de la population active. Il a certes augmenté fortement au cours du troisième trimestre, seul trimestre sans confinement, passant de 7,1 % à 9,1 %, mais a, de nouveau, reculé au trimestre suivant. Le taux de chômage reste ainsi à l’un de ses niveaux les plus faibles en France depuis près d’une dizaine d’années.

Évolution du taux de chômage en France

Retour sur la définition du chômage

Pour comprendre cet apparent paradoxe, il est nécessaire de revenir sur la définition du chômage. L’INSEE utilise celle produite par le Bureau International du Travail (BIT), un organisme rattaché à l’Organisation des Nations Unies. Le BIT considère ainsi comme chômeur toute personne de plus de 15 ans réunissant les trois conditions suivantes :

  • être sans travail, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé du tout au cours de la semaine de référence utilisée pour l’enquête statistique ;
  • être disponible pour commencer un travail dans un délai maximal de deux semaines ;
  •  être à la recherche active d’un travail, à savoir avoir entrepris au moins une démarche de recherche d’emploi au cours du mois précédant l’enquête statistique.

Le nombre de chômeurs est, en France, déterminé par l’INSEE à partir des critères internationaux du BIT. Pour cela, l’institut interroge, chaque trimestre, dans le cadre de l’enquête Emploi, les résidents de près de 73 000 logements, représentatifs de la population française.

Cette définition présente certains avantages. Elle est, tout d’abord, stable dans le temps et n’évolue pas en fonction de considérations politiques. La définition du BIT, puisqu’elle est adoptée par de nombreux pays, permet également d’effectuer des comparaisons internationales.
Toutefois, dans un contexte de restrictions sanitaires et notamment des déplacements, certaines personnes n’ont pas pu réaliser des recherches actives d’emploi, et ne pouvaient être disponibles pour commencer un nouveau travail, ce qui les a exclues de fait de la catégorie des chômeurs.
Cela explique pourquoi le chômage, mesuré au sens du BIT, a reculé au cours des deuxième et quatrième trimestres 2020, marqués par des confinements et des restrictions de déplacement de la population.

Les salariés en chômage partiel ne sont pas des « chômeurs »

Autre particularité de la définition du chômage par le BIT : elle ne prend pas en compte les personnes concernées par le dispositif de chômage partiel. Celui-ci est, en effet, destiné à des salariés en CDD ou CDI, considérés donc comme des « actifs » par l’INSEE.

En revanche, le risque est grand de voir ces salariés venir gonfler les chiffres du chômage après l’arrêt de ce dispositif d’aide.

Augmentation du « halo autour du chômage » pendant les périodes confinement

Certains individus, non employés, ne sont ainsi pas considérés comme « chômeur » au sens du BIT, puisqu’ils ne respectent pas tous les critères de cette définition. Afin de prendre en compte ce phénomène, l’INSEE a développé le concept de « halo autour du chômage ».

Selon l’INSEE, le halo du chômage comprend toute « personne sans emploi qui, soit a recherché un emploi, mais n’est pas disponible pour travailler, soit n’a pas recherché d’emploi, mais souhaite travailler et est disponible pour travailler, soit souhaite travailler, mais n’a pas recherché un emploi et n’est pas disponible pour travailler ».

Le nombre de personnes constituant le halo autour du chômage a progressé au cours des deux périodes de confinement.

Au second trimestre 2020, on comptait ainsi près de 2,5 millions de personnes ne disposant pas d’un emploi, mais ne remplissant pas l’ensemble des critères de la définition du chômage au sens du BIT. Près de 1,4 million d’entre elles souhaitaient retrouver un emploi et étaient disponibles pour travailler, mais ne pouvaient rechercher activement un emploi du fait du confinement, soit une hausse de près de 100 % par rapport au premier trimestre 2020. L’augmentation du halo autour du chômage au cours du second confinement a été, certes, moins spectaculaire mais a tout de même atteint 3 % par rapport au troisième trimestre 2020.

Halo du chômage

Ces évolutions marquées du halo autour du chômage montrent qu’il est nécessaire de suivre de près ces groupes d’individus afin de se garder de toute conclusion hâtive quant aux mouvements du taux de chômage, tel qu’il est mesuré par le BIT.