L’économie sud-coréenne vue à travers la série Squid Game

la finance pour tous

Diffusée sur la plateforme Netflix, la série sud-coréenne Squid Game connaît actuellement un large succès. Par quelques-uns de ses aspects, elle nous plonge dans certains maux de la société sud-coréenne, comme le haut niveau d’endettement des ménages, de fortes inégalités de revenus et un taux de pauvreté parmi les plus élevés au monde. Décryptages.

Qu’est-ce que Squid Game ?

Créée par Hwang Dong-hyeok, la série sud-coréenne Squid Game est diffusée sur la plateforme Netflix depuis le 17 septembre dernier. Avec plus de 110 millions de visionnages en l’espace d’un mois, elle est créditée du meilleur lancement d’une série sur cette plateforme.

Dans Squid Game, des centaines de personnes en grandes difficultés financières participent à des « jeux » pour enfants, attirés par la promesse d’un gain considérable. Au cours de chaque jeu, des joueurs sont éliminés, au sens propre comme au sens figuré. Le vainqueur de l’ensemble des jeux – et seul survivant – emportera la somme de 45,6 milliards de wons, soit plus de 33 millions d’euros.

Le won est la monnaie utilisée en Corée du Sud. Le 15 octobre 2021, il était possible d’obtenir 1371 wons avec 1 euro.

Critiquée pour l’extrême violence qu’elle véhicule, la série met en lumière certaines caractéristiques de l’économie sud-coréenne, notamment le haut niveau d’endettement des ménages, de fortes inégalités, ainsi qu’un taux de pauvreté élevé.

Les ménages sud-coréens parmi les plus endettés au monde

Dans Squid Game, les 456 joueurs acceptent de participer à des mystérieux jeux pour fuir leurs difficultés financières et, pour certains, leur surendettement. De fait, les ménages sud-coréens sont parmi les plus endettés au monde. Selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la dette des ménages représentait, en 2019, 190 % du revenu disponible en Corée du Sud.

Seuls quatre pays affichent des taux d’endettement des ménages plus élevés : l’Australie (210 %), les Pays-Bas (232 %), la Norvège (243 %) et le Danemark (252 %). À titre de comparaison, les ménages français sont endettés à hauteur de 122 % de leur revenu disponible.

Taux d'endettement des ménages dans le monde

Les déterminants de l’endettement des ménages

Comme l’illustre le graphique ci-dessus, il existe de grandes différences de niveau d’endettement des ménages entre les pays.

Par exemple, les ménages des pays du nord de l’Europe (Danemark, Norvège, Pays-Bas, etc.) tendent à être plus endettés que ceux des pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne, Grèce, etc.). Outre les écarts de richesse par habitant, il est possible d’avancer plusieurs explications pour rendre compte de ces différences.

La première d’entre elles est liée aux prix de l’immobilier. Plus ces derniers sont élevés, plus la dette des ménages l’est également, l’immobilier représentant le premier poste de l’endettement des ménages.

Un deuxième facteur explicatif a trait au niveau des taux d’intérêt : lorsqu’ils sont faibles, ils incitent les ménages à s’endetter davantage.

Le niveau d’endettement des ménages peut, enfin, être influencé par des politiques et dispositifs, notamment fiscaux, propres à chacun des pays.

Aux Pays-Bas, par exemple, il était jusqu’à récemment possible d’emprunter jusqu’à 125 % du prix d’achat d’un bien immobilier. De même, les intérêts d’emprunt sont déductibles des impôts, ce qui favorise l’endettement des ménages néerlandais.

L’endettement des ménages sud-coréens a subi une forte augmentation au cours de la dernière décennie. En 2008, l’endettement des ménages représentait, en effet, 138,5 % du revenu disponible net, soit une progression de plus de 52 points de pourcentage en l’espace de 11 ans ! Cette forte augmentation s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs, notamment : la hausse des prix de l’immobilier, la faiblesse des taux d’intérêt, une attitude moins averse au risque de la part des établissements bancaires et financiers et le développement du crédit à la consommation.

Selon une étude de l’une des plus grandes banques de Corée du Sud, la KB Kookmin Bank, le prix moyen du mètre carré atteignait, en juillet 2021, près de 8 250 euros à Séoul, soit un niveau légèrement inférieur à celui constaté à Paris. Cette moyenne masque, toutefois, comme à Paris et dans toutes les grandes métropoles de fortes disparités : dans les quartiers les plus huppés de la capitale coréenne (Gangnam-gu et Seocho-gu) le prix du mètre carré dépasse les 14 000 euros.

Corée : fortes inégalités de revenus

Autre caractéristique de l’économie sud-coréenne mise en lumière par la série : un niveau élevé d’inégalités de revenus. En mettant en scène des individus en grandes difficultés financières et d’autres relativement aisés, Squid Game se situe, ainsi, dans la lignée de Parasite, le film de Bong Joon-ho récompensé par la Palme d’or 2019. La Corée du Sud est, en effet, l’un des pays où les inégalités de revenus sont élevées.

En 2018, selon l’OCDE, elle affichait un rapport interdécile D9/D1 de 5,5. Cela signifie que les 10 % des ménages les plus aisés gagnent au moins 5,5 fois plus que les 10 % des ménages les plus modestes. À titre de comparaison, le rapport interdécile atteint 3,5 en France, 3,6 en Allemagne et 3,7 en Suisse.

Le rapport interdécile D9/D1 est l’une des mesures des inégalités les plus utilisées. Elle met en relation le 1er et le 9e déciles de la distribution des revenus et se calcule comme D9/D1.

Le rapport interdécile rapporte donc le revenu tel que 10 % de la population gagne plus (D9) au revenu tel que 10 % de la population gagne moins (D1).

De nombreuses explications sont généralement avancées pour expliquer ces fortes inégalités de revenus, en particulier : la récession consécutive à la crise financière de 1997, la segmentation du marché du travail, une faible mobilité sociale, etc.

La Corée du Sud, « championne » de la pauvreté des seniors

La Corée du Sud se distingue, enfin, par un taux de pauvreté relativement élevé. Selon les données de l’OCDE, près de 16,7 % de la population sud-coréenne vit en dessous du seuil de pauvreté. Parmi les pays développés, seuls les États-Unis affichent un taux de pauvreté plus élevé (17,8 %). La Corée du Sud se situe, ainsi, loin de la moyenne des pays de l’OCDE (11,7 %).

Le seuil de pauvreté est, ici, défini comme la moitié du revenu médian. Le revenu médian est tel que 50 % de la population gagne plus que ce revenu et les 50 % restants moins. Alors que selon la définition habituellement utilisée en Europe, le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du revenu médian, ce qui mécaniquement augmente le nombre de pauvres.

Le phénomène est encore plus marqué pour les personnes âgées. À l’instar de la mère de Gi-Hun (le joueur n° 456 et héros de la série), près de 43 % des Coréens de plus de 66 ans vivraient en dessous du seuil de pauvreté, selon des données de l’OCDE.

La Corée du Sud est ainsi le pays membre de l’OCDE où la pauvreté des seniors est la plus élevée, devant l’Estonie (38 %), la Lettonie (34 %) et la Bulgarie (27 %). La France apparaît loin derrière ces pays avec, « seulement », 4 % des 66 ans et plus touchés par le phénomène de pauvreté, si l’on retient la définition du seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian.