Maintenir une dette soutenable : quelles solutions proposées par le Gouvernement ?

la finance pour tous

Le Premier ministre François Bayrou a annoncé, mardi 15 juillet, une série de propositions pour réduire le déficit public. L’enjeu : stabiliser la dette publique afin de garantir son remboursement, et donc la confiance des marchés. L’objectif affiché est de passer sous les 3 % de déficit en 2029, seuil imposé par le Pacte de Stabilité et de Croissance européen. Le Gouvernement annonce vouloir mettre l’ensemble des Français à contribution : salariés, retraités, fonctionnaires, entreprises, tout en souhaitant encourager le travail sur le long-terme.

Une année blanche

Première grande annonce du Premier ministre, anticipée par de nombreux commentateurs : une « année blanche » permettant 7,1 milliards d’économie. Concrètement, une année blanche est une reconduction des seuils, et points d’indices d’une année sur l’autre, sans réévaluation (généralement du taux d’inflation). Puisque la production et l’inflation, dans le même temps, augmentent, cela permet à la fois de faire des économies et de dégager des recettes supplémentaires.

Les dépenses publiques seront donc gelées à leur niveau de cette année, exception faite des dépenses militaires annoncées par Emmanuel Macron. Les pensions retraites, normalement indexées sur l’inflation, resteront à leur niveau de cette année. Selon François Bayrou, l’inflation étant faible, cette décision ne devrait pas occasionner une baisse prononcée du pouvoir d’achat des retraités. Les retraités verront également arriver une réforme de la niche fiscale de l’abattement à l’impôt sur le revenu. Cette niche fiscale très coûteuse (autour de 5 milliards d’euros par an), sera adaptée : l’abattement de 10 % du revenu (plafonné à 4 123 euros) sera remplacé par un forfait annuel de 2 000 euros. Le Gouvernement a annoncé par ailleurs une chasse plus générale aux niches fiscales.

À lire aussi sur notre site

Niches fiscalesLes niches fiscales Les 474 niches fiscales qui existent en France représentent un coût cumulé...

Les seuils d’impositions de l’impôt sur le revenu seront également concernés par cette année blanche. Cela entraine donc une hausse des impôts pour de nombreux ménages. En effet, certains foyers fiscaux qui payent l’impôt sur le revenu verront leur taux d’impôt effectif augmenter, via des effets de seuil. Également, plus de foyers seront éligibles à l’impôt, puisque les revenus augmenteront (via la croissance et l’inflation).

En plus de cette année blanche, les ménages les plus aisés devront participer, via la contribution de solidarité, introduite cette année en tant que prélèvement obligatoire exceptionnel, et à priori reconduite pour l’année prochaine.

Efforts de l’Etat, de ses opérateurs et des collectivités

En plus de l’année blanche, le Premier ministre a annoncé que l’Etat, ses opérateurs et les collectivités se serreraient la ceinture. Un tiers des fonctionnaires partant à la retraite ne seraient pas remplacés. François Bayrou annonce la suppression entre 1 000 et 1 500 emplois dans les opérateurs de l’Etat. En la matière, le Gouvernement pourrait s’appuyer sur le récent rapport sénatorial en la matière, qui propose une rationalisation des agences de l’Etat. Sont entre autres proposées des internalisations de missions (AFITF, parcs nationaux, ANRU…), des fusions (GRETA-AFPA…), et des restructurations (ADEME, BPI France, Météo France…).

Les collectivités devront également fournir un effort significatif à hauteur de 5,3 milliards d’euros. Au début de l’année, la Cour des comptes avait déploré le dérapage historique des dépenses de collectivités : hausse des achats de 3 milliards de plus prévue en 2024, hausse de la masse salariale de 2 milliards d’euros … Cet « emballement » des dépenses de fonctionnement et d’investissement devrait, comme le reste, être limité pour garantir la soutenabilité de la dette publique.

Un système de santé plus rationnel ?

La santé, poste de dépense crucial de l’Etat, est également dans le viseur. Le Gouvernement souhaite 5 milliards d’euros d’économies, par rapport aux 10 milliards de hausse prévues pour les prochaines années. Plusieurs propositions sont mises en avant, en particulier dans une optique de « responsabilisation » du patient. L’objectif serait donc avant tout de lutter contre les abus individuels.

Le Premier ministre a notamment annoncé une augmentation du plafond de franchise médicale de 50 à 100 euros par an, soit 8 euros maximum par mois pour chaque Français. L’exécutif souhaite revoir le cadre des maladies chroniques. En France, 11 millions de personnes, soit 20 % des Français, sont en affection longue durée (ALD), contre 5 % des Allemands. Le Gouvernement souhaite un contrôle plus strict des remboursements des médicaments relevant ou non de l’affection, et encourager une sortie du régime quand l’état de santé ne le justifie plus.

De plus, il souhaite mettre fin à la « dérive » des arrêts maladie, qui se sont multipliées depuis une quinzaine d’années, et encourager le retour au travail lorsque cela est possible. Typiquement, qu’un salarié puisse retourner au travail après 30 jours d’arrêt sur avis du médecin généraliste ou spécialiste, sans passer par un médecin du travail.

À lire aussi sur notre site

Dépenses de santé : les propositions de la Cour des comptesLa Cour des comptes a analysé les dépenses de l’Ondam (« Objectif national de dépenses...

Plus de travail, moins de jours fériés

En plus du plan « Stop à la Dette », le Gouvernement a présenté son plan en tandem, « En avant la production ». L’objectif affiché est clair : augmenter le temps de travail global de l’économie, pour permettre de nouvelles recettes, et une baisse mécanique du ratio de dette sur PIB. Plusieurs pistes sont évoquées. En premier lieu, la suppression de deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai. Le Gouvernement se dit ouvert à d’autres propositions, mais justifie son choix en partie par les trop nombreux ponts de mai.

Les conditions d’allocations chômage seraient resserrée, et les durées d’indemnisations pourraient être réduites. Le Gouvernement planche sur une révision du dispositif des ruptures conventionnelles, coutant près de 10 milliards d’euros par an. Sont également en réflexion des aménagements des contrats de travail pour fluidifier le marché de l’emploi, et une monétisation d’une semaine de congés payés.

Des économies de 44 milliards d’euros

Au total, l’exécutif espère que cette série de mesures pourra permettre une économie de 44 milliards d’euros. Reste à préciser « par rapport à quoi ? ». On pourrait croire que ces économies sont calculées par rapport aux dépenses de cette année. En réalité, elles sont calculées par rapport à des dépenses tendancielles prévues sur les prochaines années.

Les recettes et dépenses publiques, même en ne proposant aucun changement dans les barèmes d’impôts ou le nombre de fonctionnaires, évoluent avec l’économie. La croissance, l’inflation, le chômage, les droits de douanes extérieurs, les investissements étrangers, le crédit bancaire, sont des variables économiques qui, entre autres, affectent l’équilibre du budget. Par exemple, l’inflation entraine une revalorisation des retraites, et une baisse du chômage provoque une baisse des allocations, et une plus grande assiette fiscale de l’impôt sur le revenu.

Les 44 milliards d’euros d’économies annoncées le sont donc par rapport à une tendance, une anticipation des recettes et dépenses dans le futur (qui augmentent d’année en année). Cette approche est à la fois plus réaliste, mais également plus risquée, car il est alors nécessaire de prévoir avec fiabilité les évolutions de l’économie.