Agences de notation : la dégradation de la note de la France par Fitch a-t-elle un impact ?

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Le12 septembre 2025, l’agence de notation Fitch a abaissé la note souveraine de la France de AA- à A+. Cette décision, attendue par une partie des investisseurs, s’appuie sur deux constats principaux : une trajectoire de déficit toujours élevée et une capacité politique limitée à mener une consolidation budgétaire ambitieuse à court terme. Depuis l’automne dernier, la note Fitch était déjà assortie d’une perspective négative, ce qui ouvrait la voie à une rétrogradation si les signaux d’amélioration tardaient à se matérialiser.

À quoi correspond la note « A+ » ?

La note A+ constitue simplement l’un des barreaux de l’échelle de notation de l’agence. Les autres agences, comme S&P et Moody’s, suivent des échelles très similaires. L’agence de notation est censée évaluer objectivement la soutenabilité de la dette publique (c’est-à-dire sa capacité à honorer ses obligations financières).

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Si l’agence est crédible, cette note est un signal pour les marchés qui l’utiliseront pour décider de leurs investissements. En théorie, cette note influence grandement les taux d’intérêt : plus elle est basse, plus les investisseurs exigent une rémunération élevée pour compenser le risque de défaut auquel ils font face.

Echelles des agences de notation financière

Notation financière : un impact de court terme limité sur les marchés

Côté marchés, la réaction immédiate est restée très contenue, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre. En fait, la prime de risque de la France s’était déjà graduellement ajustée ces derniers mois, reflétant la sensibilité des investisseurs à la dégradation du cadre budgétaire.

Autrement dit, le « pricing » intégrait déjà une partie du message envoyé par Fitch, ce qui réduit l’effet d’annonce. En cette seconde quinzaine de septembre, l’État français emprunte au taux de 3,48 % par an (pour les obligations de 10 ans).

La France se finance aujourd’hui à des niveaux de rendement proches de ceux de l’Italie, alors que, traditionnellement, l’écart lui était nettement favorable. En miroir, l’écart de taux (spread) avec l’Allemagne demeure élevé.

Ce n’est donc pas seulement la valeur des taux souverains qui peut inquiéter, mais aussi et surtout la place de la dette française par rapport à celle de ses partenaires économiques.

Fitch tire en premier

Cette dégradation par Fitch ne signifie pas que le consensus des grandes agences bascule, pour l’instant. Les deux poids lourds du secteur, S&P Global Ratings et Moody’s, conservent une note en « double A » pour la France. Le calendrier sera toutefois décisif dans les prochaines semaines et les prochains mois : Moody’s doit se prononcer le 24 octobre 2025 et S&P le 28 novembre 2025. D’autres agences (DBRS, Scope) ont également des revues programmées dans les prochaines semaines.

Et si S&P et Moody’s suivaient ?

Le scénario de risque à surveiller est celui d’une perte du « double A » chez S&P et/ou Moody’s en fin d’année. Les effets potentiels seraient probablement plus marqués pour trois raisons. D’abord, une baisse de la demande de certaines banques pour la dette française. En effet, les cadres règlementaires des banques (Bâle III en particulier) utilisent les notes des agences de notation pour quantifier le risque qu’elles prennent. Une bascule de AA à A peut accroître les pondérations appliquées à certains portefeuilles : autrement dit, les banques (surtout hors zone euro) se verraient limitées dans le financement de l’État français.

Ensuite, une baisse de la demande des fonds d’investissements. Certains fonds proposent des mandats « investment grade core » à leurs clients qui cherchent des placements sûrs. Or, ces mandats spécifient parfois des seuils d’achat alignés sur une qualité type AA : une dégradation supplémentaire pourrait alors entraîner des réallocations, même si elles ne seraient pas forcément massives.

Enfin, l’agrégation de plusieurs signaux négatifs de notation peut réhausser la prime de risque exigée par un éventail plus large d’investisseurs internationaux, avec, à la clé, une sensibilité accrue du coût de financement. Fitch est en effet la plus « petite » agence du triumvirat, dont la portée reste limitée. Si S&P et Moody’s validaient la décision de Fitch, on pourrait s’attendre à des réactions plus fortes de la part des marchés.

Le vrai rendez‑vous : fin 2025, entre budget, déficit et verdicts des agences

Le véritable couperet se jouera donc à l’automne et au tout début de l’hiver, lorsque s’articuleront trois éléments :

  • le contenu du budget et les trajectoires de déficit associées,
  • la décision de Moody’s le 24 octobre 2025,
  • puis celle de S&P le 28 novembre 2025.

Si ces annonces confirment une capacité de consolidation crédible et progressive, la pression sur les spreads pourrait rester contenue. À l’inverse, un signal convergent de dégradation chez les grandes agences, couplé à des hypothèses budgétaires jugées peu réalistes, augmenterait la probabilité d’un nouvel ajustement des primes de risque, avec à la clé une charge de la dette plus lourde dans la durée.

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En somme, la décision de Fitch du 12 septembre acte une perception déjà largement intégrée par les marchés : la France reste un émetteur de bonne qualité, mais dont le « coussin » de crédibilité s’est réduit. La suite dépendra moins de cet effet d’annonce et davantage de la capacité à ancrer, noir sur blanc, une trajectoire de finances publiques qui rassure durablement investisseurs et agences.