Qu’est ce que la mobilité intergénérationnelle ?
La mobilité intergénérationnelle désigne la capacité des individus à changer de position socio-économique par rapport à celle de leurs parents. Elle mesure dans quelle mesure le revenu, le statut professionnel ou le niveau d’éducation d’une génération influence celui de la suivante.
Dans une société à forte mobilité, les enfants issus de milieux modestes ont de bonnes chances d’accéder à des positions plus élevées, indépendamment de leur origine familiale. À l’inverse, une faible mobilité signifie que les inégalités se perpétuent d’une génération à l’autre, limitant les opportunités pour ceux nés dans des familles moins aisées.
Ce concept est central pour évaluer l’équité d’une société, car il interroge la possibilité pour chacun de réaliser son potentiel sans être freiné par des facteurs hérités. En France, malgré un système éducatif public et des mécanismes redistributifs importants, la mobilité intergénérationnelle reste relativement faible, comme le souligne une récente analyse du Conseil d’analyse économique.
Comment mesurer la mobilité ?
Pour mesurer la mobilité intergénérationnelle, les économistes utilisent plusieurs outils, dont la matrice de transition, qui offre une vue claire et intuitive des probabilités de changement de position. Cette matrice divise la population en groupes de revenus, souvent en quintiles, c’est-à-dire en cinq tranches égales allant des 20% les plus pauvres aux 20% les plus aisés.
Elle indique la probabilité pour un enfant d’une certaine tranche parentale de se retrouver dans une autre tranche à l’âge adulte. Cette approche permet de visualiser non seulement la mobilité ascendante, mais aussi la descendante, et de comparer les trajectoires entre groupes. D’autres indicateurs, comme la corrélation entre les revenus des parents et des enfants, complètent cette mesure : une corrélation forte indique une faible mobilité, car les positions se reproduisent fidèlement.
La France : un mauvais élève de la mobilité sociale
En France, la situation de la mobilité intergénérationnelle est marquée par une relative rigidité, plaçant le pays parmi les nations développées où les inégalités se transmettent le plus fortement entre générations.
Par exemple, un enfant né dans les 20 % des familles les plus pauvres a seulement 9,7% de chances d’atteindre les 20% les plus aisés.
À l’opposé, 38,4 % de ces enfants les plus riches restent dans cette tranche. Il existe donc une persistance à la fois en haut et en bas de l’échelle.
Cette faible mobilité ascendante est comparable à celle observée aux États-Unis, mais inférieure à celle des pays scandinaves comme le Danemark ou la Suède, où les opportunités sont plus équitablement distribuées.
Géographiquement, des disparités existent : les départements avec un faible chômage et un haut taux de bacheliers, comme la Haute-Savoie ou Paris, affichent une mobilité plus élevée, alors que d’autres, comme le Pas-de-Calais ou les Ardennes, montrent une mobilité réduite.
Ces variations soulignent que des facteurs locaux, tels que l’accès à l’emploi et à l’éducation, influencent les trajectoires intergénérationnelles. Globalement, la France se distingue par une mobilité qui, bien que soutenue par un État providence développé, peine à compenser les inégalités initiales, avec une corrélation intergénérationnelle des revenus autour de 0,4 – un niveau indiquant que 40% des écarts de revenus entre parents se reproduisent chez les enfants.
Ascenseur social : pourquoi une si faible mobilité ?
Cette faible mobilité s’explique en grande partie par des différences marquées d’accès et d’orientation dans l’enseignement supérieur, qui agissent comme un filtre reproduisant les inégalités. Les enfants de familles modestes ou issus de professions défavorisées ont moins tendance à s’orienter vers des formations sélectives, comme les classes préparatoires ou les grandes écoles, même lorsqu’ils ont des résultats scolaires équivalents.
Par exemple, l’admission d’un élève dans une formation d’élite peut augmenter de 21 % les candidatures de la cohorte suivante dans le même lycée, particulièrement si elles sont relayées par des professeurs principaux.
Cela crée un effet de pairs positif, mais qui bénéficie davantage aux établissements déjà favorisés, creusant les écarts. De plus, les inégalités d’information et d’accompagnement jouent un rôle clé : les jeunes de milieux populaires sous-estiment souvent leurs chances d’accès aux filières prestigieuses, optant pour des voies moins ambitieuses. Et « la probabilité d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur augmente fortement avec le revenu des parents. Les enfants de familles défavorisées ont 2,5 fois moins de chances d’obtenir un diplôme du supérieur que ceux issus de familles très favorisées », souligne l’Institut des Politiques Publiques (IEP).
Des leviers comme un meilleur accompagnement à l’orientation ou des liens renforcés entre anciens et nouveaux élèves pourraient atténuer ces disparités, favorisant une mobilité plus fluide.