Zones monétaires optimales

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Une zone monétaire optimale désigne la situation dans laquelle un groupe de pays a intérêt à instaurer une monnaie unique. Pour Robert Mundell, économiste à l’origine des travaux sur ce sujet, des pays ont intérêt à avoir une monnaie unique si, notamment, ils échangent beaucoup entre eux, que les facteurs de production sont mobiles et qu’ils ont un niveau et un modèle de développement sensiblement identiques.

Avoir la même monnaie présente de nombreux avantages : facilité pour comparer les prix (donc échanger et investir à l’étranger), absence de fluctuation du taux de change ce qui donne de la visibilité aux entreprises…

Cependant, une monnaie unique implique une politique monétaire unique. De ce fait, chaque pays partageant la même monnaie ne peut plus avoir de politique monétaire indépendante et ne maîtrise plus son taux de change. Il y a donc un arbitrage entre les gains et les inconvénients à partager une même monnaie. En outre, on l’a vu avec la zone euro, une politique monétaire unique sans politique économique, budgétaire, fiscale et sociale unique, peut masquer des divergences d’évolution et se révéler dangereuse à plus ou moins long terme.

Les gains l’emportent sur les inconvénients (autrement dit ces pays forment une zone monétaire optimale) si trois principales conditions sont réunies :

Les critères pour former une zone monétaire optimale

Les pays échangent beaucoup entre eux

Pour que des pays forment une zone monétaire optimale, il est nécessaire qu’ils échangent beaucoup en entre eux. En effet, l’intérêt de partager une même monnaie est de fluidifier les échanges (pas de commissions sur les changes, meilleure comparaison des prix, pas de fluctuations des prix liés aux variations de taux de change…).

Pour deux pays très éloignés et commerçant peu entre eux, par exemple la France et la Nouvelle-Zélande, il n’y aurait pas d’intérêt significatif à partager une même monnaie.

Les facteurs de production sont mobiles entre les pays

A l’intérieur d’une même zone monétaire, il est nécessaire que les facteurs de production (capital mais surtout travail) soient mobiles entre les pays. La raison est que, à l’intérieur d’une même zone monétaire s’applique une politique monétaire identique. Cette politique monétaire peut, à un moment donné, être profitable à un type d’industrie dans lequel est spécialisé un pays ou une région et défavorable à une autre.

Si les travailleurs sont mobiles, alors les chômeurs de la région affectée vont chercher du travail dans la région en croissance. Il n’y a donc pas de hausse du chômage et la main-d’œuvre est allouée aux industries les plus porteuses et les plus performantes, ce qui génère de la croissance.

A l’inverse, si la main-d’œuvre n’est pas mobile, les chômeurs restent bloqués dans une région où ils n’ont plus de possibilité de trouver un emploi, et les régions en croissance manquent de main d’œuvre.

Les pays présentent des caractéristiques communes

Une zone monétaire ne peut fonctionner qu’entre pays présentant des caractéristiques communes, et notamment une fiscalité et un budget commun. Comme ces pays possèdent tous la même monnaie, la politique monétaire est commune à l’ensemble des pays.

Or, si les structures économiques sont différentes, les chocs subis par chaque pays seront très spécifiques et une politique monétaire commune ne peut être adaptée à tous. Un budget commun est notamment utile pour que les pays en crise qui ne peuvent plus dévaluer leur monnaie pour gagner en compétitivité perçoivent une aide financière des pays prospères.

Ces critères constituent des mécanismes d’ajustement permettant à une zone monétaire de faire face à des chocs asymétriques.

La zone euro est-elle une zone monétaire optimale ?

Pour savoir si la zone euro correspond à une zone monétaire optimale, reprenons les trois critères énoncés :

  • Échanges élevés entre pays : le commerce entre les pays européens est élevé, et plus important que les échanges avec les pays d’autres continents (par exemple, sur les 10 principaux partenaires commerciaux de la France, huit sont européens). La zone euro valide ce critère.
  • Mobilité des facteurs de production : le capital est plutôt mobile au sein de la zone euro (libre circulation des capitaux), mais le travail est faiblement mobile, notamment du fait de frontières linguistiques. La zone euro ne valide que très partiellement ce critère.
  • Caractéristiques communes : les pays de la zone euro présentent des disparités fortes, avec certains pays très industrialisés (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) et d’autres beaucoup moins (Portugal, Grèce). De plus, il n’y a pas de budget commun à la zone euro et le budget de l’Union européenne est très faible. Ce critère n’est pas validé en zone euro.

En résumé, la zone euro ne possède pas toutes les caractéristiques d’une zone monétaire optimale, ce qui complique la conduite de la politique économique : la politique monétaire désirée par la Grèce n’est pas la même que celle souhaitée par l’Allemagne par exemple.

La comparaison Michigan-Californie et Allemagne-Grèce

Terminons en détaillant le fonctionnement de la politique économique aux États-Unis (qui forment une zone monétaire optimale) et en zone euro (qui ne peut pas être considérée comme une zone monétaire optimale).

Considérons deux États américains : le Michigan, fortement industrialisé et la Californie, plutôt orientée vers les services. Si une crise frappe l’industrie, il est impossible au Michigan de dévaluer le dollar pour gagner en compétitivité face à la Californie. En revanche, il est possible aux chômeurs du Michigan d’aller chercher du travail en Californie, et le Michigan bénéficiera des impôts fédéraux payés par la Californie.

A l’inverse, quand une crise frappe la Grèce, il est difficile pour les Grecs d’aller chercher du travail en Allemagne (c’est possible en théorie du fait de la libre circulation des personnes mais la langue est une barrière importante).

De plus, la Grèce ne peut pas dévaluer sa monnaie (puisqu’elle a adopté l’euro) et se retrouve donc dans une situation de prix relatifs trop élevés par rapport à l’Allemagne.

La création de l’euro n’était pas nécessairement une mauvaise décision car la situation précédente, marquée par la difficulté à coordonner les taux de change, posait également des problèmes. Cependant, l’euro fonctionnerait mieux si des réformes étaient entreprises pour faire tendre la zone euro vers une zone monétaire optimale (budget commun notamment).

    9 commentaires sur “Zones monétaires optimales”
    1. Merci.
      Je peux avoir un aperçu sur un modèle simple sur les critères d’une zone monétaire optimale ?
      Je veux dire une méthodologie.

      1. Bonjour,
        En complément de notre article ci-dessus, la lecture de la publication originale de Robert Mundell, « A Theory of Optimum Currency Areas » (American Economic Review, 51(4), 1961) peut vous être utile. Citons également « Mundell, the Euro and Optimum Currency Areas » de R. McKinnon pour une presentation plus moderne.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

      1. Bonjour,
        Un grand merci pour vos encouragements ! Toute l’équipe a pour objectif de développer l’éducation financière !
        Bien cordialement
        L’équipe de Lafinancepourtous.com

      1. Bonjour,
        Merci pour votre commentaire, nous réfléchirons à votre suggestion. En attendant vous pouvez consulter ces décryptages qui se rapprochent du thème de la globalisation :
        https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/economie-mondiale/organisation-mondiale-du-commerce/
        https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/crise-financiere/crise-des-subprimes/la-crise-de-la-finance-globalisee/
        Meilleures salutations.
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

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