Vers une taxation mondiale des entreprises multinationales ?

la finance pour tous

J. Yellen a affirmé le soutien de l’administration Biden à la proposition portée par l’OCDE d’instauration d’un taux d’imposition mondial minimal sur les sociétés. Les États-Unis souhaitent financer, grâce à une taxation plus efficace des entreprises, et notamment des GAFAM, une partie des coûts induits par la pandémie de Covid-19, dont celui de la relance économique. À terme, une telle proposition pourrait, si elle était mise en pratique, signifier la fin des paradis fiscaux.

Le revirement américain

Portée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et soutenue par de nombreux pays, la proposition d’une taxation mondiale minimale des sociétés compte, depuis début avril, un nouveau partisan de poids avec les États-Unis. Janet Yellen, la Secrétaire du Trésor américain, a en effet déclaré vouloir faire progresser l’équité en matière d’imposition des entreprises multinationales et réduire le dumping fiscal pratiqué à l’échelle internationale. Une telle proposition, si elle était finalement adoptée, pourrait réduire fortement l’activité des paradis fiscaux en matière d’accueil de sociétés étrangères.

Cette prise de position de l’administration Biden marque ainsi un tournant en matière de taxation des sociétés aux États-Unis. Au cours de son mandat, D. Trump avait, d’une part, réduit le taux d’imposition sur les sociétés de 35 à 21 % – J. Yellen propose de le porter à 28 % – et provoqué, d’autre part, le retrait des États-Unis des négociations autour de l’imposition des multinationales en cours au sein de l’OCDE afin que les entreprises américaines ne soient pas concernées par cette mesure.

L’OCDE et l’imposition des entreprises

Deux propositions sont, plus précisément, défendues par l’OCDE. La première concerne la mise en place d’un taux d’imposition des sociétés minimal à l’échelle mondiale. La deuxième porte sur l’instauration d’un système permettant de faire peser cet impôt sur les profits réalisés par les multinationales dans chaque pays et non plus, comme actuellement, sur le bénéfice agrégé, souvent déclaré dans des paradis fiscaux. Si elles sont effectivement mises en œuvre ces deux propositions pourraient générer entre 5 et 12 milliards de dollars par an de recettes fiscales supplémentaires à l’échelle mondiale (estimations obtenues avec l’hypothèse d’un taux mondial d’imposition des sociétés minimal de 12,5 %).

Les raisons du revirement américain

Plusieurs facteurs expliquent le changement de position des États-Unis.

Financer le déficit public lié à la crise

À l’instar des autres économies avancées du globe, les États-Unis traversent l’une des plus graves crises économiques de leur histoire. Suite à l’irruption de la pandémie de Covid-19, le produit intérieur brut (PIB) américain a reculé de 3,5 % en 2020.

Dans ce contexte de crise sans précédent, s’exprime une demande croissante de justice sociale de la part de la population, ainsi qu’un besoin de financement colossal de la part de l’État américain.

En 2020, le déficit public s’est élevé à plus de 3,1 milliards de dollars, soit près de 15 % du PIB. Pour la seule période entre octobre 2020 et mars 2021 – l’exercice fiscal débute en octobre aux États-Unis –, le déficit a  d’ores et déjà, atteint 1,7 milliard de dollars.

On estime, enfin, que la dette publique américaine représente près de 130 % de son PIB, un niveau supérieur à celui enregistré en France.

Les profits déclarés dans des paradis fiscaux : un fléau grandissant pour l’économie américaine

Le fait de déclarer des bénéfices hors du territoire national pour une société américaine est, désormais, loin de constituer un phénomène isolé. Les travaux récents de G. Zucman et de T. Wright montrent, en effet, qu’il s’agit d’un fléau grandissant. D’une part, près d’un tiers des profits des sociétés américaines sont désormais déclarés à l’étranger, contre 6 % au cours des années 1950. D’autre part, près de 20 % de ces profits enregistrés à l’étranger le sont dans des paradis fiscaux – contre moins de 1 % il y a 70 ans –, ce qui représente 2,6 % du revenu national américain !

Financer les infrastructures

Ce changement d’attitude des États-Unis s’explique également par la volonté de l’administration Biden de compléter le plan de sauvetage de l’économie voté en mars dernier par le Congrès, par un vaste programme d’investissement dans les infrastructures du pays. Celui-ci devrait être d’un montant de 2 000 milliards de dollars et porterait sur la remise en état des infrastructures de transport, de l’énergie et de l’eau.

Les contours de ce plan ne sont pas encore totalement connus, mais l’administration Biden souhaiterait y consacrer une partie des recettes fiscales générées par cette plus forte imposition des entreprises.