Le traitement des enjeux économiques et les partis pris de l’essai reflète la pensée de l’auteur, et non celle de La Finance Pour Tous, qui joue le rôle de relais d’un travail riche et densément documenté.
Enjeux des dépenses publiques : un déficit hors de contrôle, une habitude française ?
En 2023, le déficit public s’est envolé à 5,5 % du PIB, bien au-delà des 4,9 % prévus, illustrant une fois de plus l’incapacité à contenir la dérive des finances publiques. Le dépassement du seuil des 3 % imposés par Bruxelles est devenu une habitude, mais cette fois-ci, le choc est plus violent. Ce déficit n’est pas qu’un simple écart comptable, il résulte d’un déséquilibre structurel persistant, aggravé par une accumulation de chocs successifs.
Les agences de notation ont tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, traduisant dans leurs notations la détérioration progressive des finances publiques françaises. Ces dix dernières années, la note de la France est passée de Aaa à Aa3 chez Moody’s, de AAA à AA- chez S&P, avec une nouvelle dégradation en décembre 2024. Cette évolution se reflète immédiatement sur les marchés : la défiance
des investisseurs fait grimper le coût du financement, obligeant la France à emprunter à des taux plus élevés. À mi-janvier 2025, l’État lève des fonds à 3,47 %, avec une moyenne de 3,25 % sur le début d’année, un niveau qui renchérit mécaniquement la charge de la dette.
Cette tendance est d’autant plus préoccupante que 54,2 % de la dette publique est détenue par des investisseurs étrangers. Ce niveau d’exposition aux marchés internationaux rend la France plus sensible aux ajustements de perception du risque souverain. Une annonce économique défavorable, une montée des tensions géopolitiques ou un resserrement monétaire de la BCE suffisent à provoquer une
hausse des taux, alourdissant encore le coût des nouveaux emprunts. Une dynamique qui, à défaut d’être immédiatement critique, réduit progressivement les marges de manœuvre budgétaires et complexifie la gestion de la dette.
Dans ce contexte, l’État a dû revoir ses prévisions budgétaires. Les projections de déficit pour 2024, initialement établies à -4,4 %, ont été réévaluées à -6,1 % dans le PLF 2025, confirmant un écart significatif par rapport aux objectifs initiaux. Le retour sous la barre des 3 % est désormais repoussé à 2027, sous réserve d’un redressement rapide des finances publiques. Mais selon Moody’s, la trajectoire reste préoccupante : le déficit public atteindrait encore 6,3 % du PIB en 2025, tandis que la dette publique, au lieu de se stabiliser, poursuivrait sa progression, passant de 113,3 % du PIB en 2024 à près de 120 % en 2027. Loin d’être un simple ajustement budgétaire, cette situation souligne les défis croissants de soutenabilité de la dette, dans un environnement où les marges de manœuvre se réduisent et où la dépendance aux marchés financiers s’accroît.
Cette dépendance croissante aux marchés financiers ne finance pourtant ni les investissements productifs, ni la transition économique, mais sert principalement à couvrir les dépenses courantes et le remboursement de la dette existante. Résultat, aucun eff et levier sur la croissance, tandis que la charge de la dette continue de s’alourdir. En 2025, les engagements financiers de l’État augmentent encore de +3,29 %, portant le poids des intérêts à 6,6 % du budget, soit 56 milliards d’euros consacrés uniquement au service de la dette.
Et pourtant, la croissance reste atone. L’OCDE espérait 1,4 %, mais les chiffres sont moins optimistes : en réalité, elle ne dépasse pas 1 %. L’écart peut sembler minime, mais dans un contexte où l’endettement ne cesse de progresser, chaque dixième de point de croissance manquant se traduit par une contrainte budgétaire supplémentaire. La mécanique est implacable : plus la dette augmente, plus les marges de manœuvre se réduisent, plus l’État est contraint d’emprunter, et plus le poids des intérêts grève les finances publiques. Un cercle vicieux qui se referme inexorablement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. T1 2023, la dette publique franchissait la barre des 3 000 milliards d’euros, atteignant 111,19 % du PIB. Un an et demi plus tard, en T3 2024, elle atteint 3 303 milliards d’euros, soit 113,7 % du PIB. Une trajectoire qui interroge : l’État dépense toujours plus, mais sans cap précis. Pendant ce temps, le poids des intérêts absorbe une part croissante des ressources publiques, limitant toute capacité d’action et rendant toute réforme budgétaire d’envergure encore plus difficile à mettre en œuvre. Dès lors, la question n’est plus seulement celle du déficit ou de la dette en tant que tels, mais bien de l’orientation des dépenses publiques.
À défaut d’un ajustement stratégique, l’équation budgétaire semble de plus en plus difficile à résoudre.
Merci encore à Antonin Batteur pour cette réflexion qui nous permet aussi de comprendre l’actualité.
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