L’aluminium : la légèreté qui pèse lourd

la finance pour tous

Omniprésent dans notre quotidien, des canettes de soda aux ailes d’avions, l’aluminium est devenu un pilier de l’industrie. Second métal le plus abondant de la croûte terrestre, il fut pourtant si difficile à extraire qu’il fut un temps considéré comme un métal précieux, exposé au même titre que les joyaux de la Couronne lors de l’Exposition universelle de Paris en 1855 ! Aujourd’hui, sa production de masse soulève des défis économiques, géopolitiques et environnementaux considérables.

Qu’est-ce que l’aluminium ?

L’aluminium (symbole Al) est un métal aux propriétés physiques remarquables. Sa faible densité en fait un matériau très léger, tandis qu’il se révèle être un excellent conducteur de chaleur et d’électricité. À l’état naturel, il se couvre spontanément d’une fine couche d’oxyde qui le protège efficacement de la corrosion, lui garantissant une grande durabilité. Bien qu’il soit très malléable à l’état pur, ses propriétés mécaniques peuvent être considérablement améliorées par l’ajout d’autres éléments pour former des alliages.

Fait notable, l’aluminium n’existe pas à l’état natif sur Terre. Il est principalement extrait d’un minerai appelé la bauxite, qui doit subir une double transformation : d’abord raffiné en alumine (oxyde d’aluminium) via le procédé Bayer, puis transformé en aluminium métallique par un processus d’électrolyse très énergivore, connu sous le nom de procédé Hall-Héroult.

Dans quelles industries est utilisé l’aluminium ?

La combinaison de légèreté, de résistance et de durabilité de l’aluminium en fait un matériau de choix pour de très nombreux secteurs. Le secteur des transports est l’un des plus grands consommateurs, où l’aluminium permet d’alléger la structure des véhicules pour réduire leur consommation d’énergie. Dans l’automobile, si une voiture en acier est remplacée par une structure en aluminium, son poids peut diminuer de 30 à 40 %. On le retrouve ainsi massivement dans les carrosseries, les structures et les boîtiers de batteries des véhicules électriques. L’aéronautique en dépend également pour ses alliages à haute performance.

Le secteur du bâtiment et de la construction l’utilise pour les cadres de fenêtres, les façades, les toitures ou encore les structures légères. L’emballage représente un autre débouché majeur, notamment pour les canettes de boissons et les barquettes alimentaires, où sa recyclabilité est un atout clé. Enfin, il est indispensable dans le domaine de l’électricité et de l’électronique pour les lignes à haute tension et les dissipateurs thermiques, ainsi que dans la transition énergétique, puisqu’on le retrouve dans les structures des panneaux solaires et des éoliennes.

Extraction et raffinage de l’aluminium

La chaîne de valeur de l’aluminium est géographiquement très concentrée. L’extraction du minerai de bauxite est dominée par quelques pays, principalement la Guinée, l’Australie et la Chine. La Guinée, qui détient les plus grandes réserves mondiales, s’affirme comme un exportateur incontournable, notamment vers la Chine.

Production de bauxite dans le monde

Le raffinage de la bauxite en alumine est lui aussi concentré, la Chine produisant à elle seule plus de la moitié de l’offre mondiale, loin devant l’Australie et le Brésil. Enfin, l’étape de production d’aluminium primaire par électrolyse (le « smelting ») est massivement dominée par la Chine, là encore, qui représente près de 60 % de la production mondiale.

Le coût de l’aluminium

Le principal facteur de coût de l’aluminium est l’énergie. Le procédé d’électrolyse consomme une quantité considérable d’électricité, de l’ordre de 13 à 15 MWh par tonne de métal produite, ce qui représente entre 30 % et 40 % du coût de production total. Cet état de fait avantage structurellement les régions disposant d’une électricité abondante et bon marché, comme celles dotées de grandes capacités hydroélectriques (Canada, région du Yunnan en Chine) ou de gaz naturel à bas coût (Moyen-Orient). Sur les marchés mondiaux, le prix de l’aluminium est fixé par la bourse des métaux de Londres (LME). Son prix est relativement stable ces derniers mois, autour de 2200 euros la tonne en 2025.

Quels sont les enjeux économiques et géopolitiques ?

La forte concentration de la chaîne de production rend le marché de l’aluminium particulièrement sensible aux tensions géopolitiques et aux stratégies nationales. La domination chinoise, de l’amont à l’aval, lui confère une influence majeure sur les prix et la disponibilité du métal. Pékin cherche aujourd’hui à équilibrer sa sécurité énergétique, encore dépendante du charbon, avec ses objectifs de décarbonation, ce qui la pousse à relocaliser ses fonderies vers des provinces riches en hydroélectricité.

Face à cette concentration, les autres blocs économiques déploient leurs propres stratégies. Les États-Unis appliquent des droits de douane de 50 % sur les importations d’aluminium pour protéger leur industrie nationale. L’Union européenne, de son côté, met en place son Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (tout comme pour l’acier), qui obligera à partir de 2026 les importateurs à payer une taxe équivalente au prix du carbone européen pour les émissions liées à la production de l’aluminium importé. L’UE applique également des mesures anti-dumping contre certains produits chinois.

D’autres pays producteurs cherchent à capter davantage de valeur. L’Indonésie, par exemple, a interdit les exportations de bauxite brute pour forcer le développement de raffineries sur son sol. Enfin, les sanctions internationales, comme celles visant la Russie depuis 2024 qui interdisent la livraison de sa nouvelle production sur les principales bourses, reconfigurent les flux mondiaux et créent des tensions sur l’offre.

Quels sont les enjeux environnementaux ?

La production d’aluminium primaire est l’une des plus énergivores et polluantes de l’industrie métallurgique. L’enjeu principal réside dans son empreinte carbone. Près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur proviennent de la consommation d’électricité nécessaire à l’électrolyse. L’intensité carbone d’une tonne d’aluminium varie donc énormément selon que l’électricité est produite à partir de charbon ou d’énergies renouvelables comme l’hydraulique.

À lire aussi sur notre site

Donner un prix au carboneTaxe ou marché Le prix du carbone peut être  matérialisé sous la forme de taxes ...

Un autre défi majeur est la gestion des « boues rouges ». Ce résidu toxique et très alcalin, issu du raffinage de la bauxite en alumine, est produit en grande quantité (environ une tonne de boues par tonne d’alumine) et pose des risques environnementaux importants en cas de fuite des bassins de stockage. Par ailleurs, le changement climatique lui-même pourrait affecter l’extraction, les principales régions productrices de bauxite étant particulièrement exposées à une augmentation des vagues de chaleur extrême, ce qui pourrait contraindre les conditions de travail.

La solution la plus efficace pour réduire cet impact est le recyclage. Refondre de l’aluminium ne nécessite que 5 % de l’énergie utilisée pour la production primaire, réduisant d’autant les émissions de gaz à effet de serre. Le développement de l’économie circulaire est donc un axe stratégique pour l’avenir du secteur, soutenu par des innovations comme le développement d’anodes inertes qui élimineraient les émissions directes du procédé d’électrolyse.

0 commentaire

Commenter