Un test qui détermine cinq niveaux de connaissance
L’évaluation PISA de la culture financière a été conçue pour déterminer dans quelle mesure les élèves possèdent une connaissance et une compréhension des concepts et risques financiers, ainsi que les compétences, la motivation et la confiance nécessaires pour prendre des décisions fondées dans un large éventail de contextes financiers et pour participer activement à la vie économique. « Une première étape sur la voie de l’élaboration d’une évaluation internationale de la culture financière« , note l’OCDE.
Notre institut salue cette initiative qui teste en profondeur (40 questions sous forme de cas pratiques à résoudre en une heure) non seulement des connaissances mais également des compétences et des savoir-faire replacés dans un contexte pratique. Nous saluons également la volonté de définir le champ de la culture financière, objet du test, même si la distinction entre contenus, contextes et processus est, elle, un peu abstraite. En revanche, n’ayant pas eu accès aux 40 questions ni aux critères de notation, nous ne pouvons porter un jugement sur la pertinence de l’ensemble des questions et des réponses. Nous avons identifié, dans deux des exemples mis en exergue par l’OCDE, des conclusions critiquables. Mais nous n’ignorons pas qu’il y a une part d’arbitraire et de présupposés idéologiques dans toute enquête visant à mesurer des niveaux de compétences ; et qu’il est extrêmement difficile de faire un questionnaire valable pour des pays aussi différents que la Colombie, les Etats-Unis ou la France.
Un verre à moitié vide ou à moitié plein
Pour mémoire, les élèves ont été classés en cinq niveaux :
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Le niveau 1 correspond aux compétences de base. Les élèves sont capables de reconnaitre les produits financiers courants. Ils savent faire la différence entre besoins et souhaits et prendre des décisions simples sur les dépenses quotidiennes.
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Au niveau 2, les élèves savent utiliser les informations qui leur sont données pour prendre des décisions financières dans des contextes qui les concernent directement et ils savent interpréter les principaux éléments de documents financiers simples et effectuer des calculs arithmétiques simples pour répondre à des questions d’ordre financier.
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Le niveau 3 est atteint lorsque l’élève commence à envisager les conséquences des décisions financières et qu’il peut donner des interprétations simples sur différents types de documents financiers ainsi que de calculer des pourcentages. L’élève est aussi capable de déterminer les calculs nécessaires pour résoudre des problèmes quotidiens courants comme le calcul d’un budget.
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Au niveau 4, les élèves savent appliquer leur compréhension de concepts financiers moins courants à des situations ou contextes auxquels ils seront confrontés plus tard dans leur vie d’adulte (gestion d’un compte bancaire, calcul d’intérêt composés, par exemple).
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Le niveau 5 correspond aux élèves qui savent analyser des produits financiers complexes, qui résolvent des problèmes financiers non habituels et qui savent décrire les conséquences potentielles de décisions financières.
On peut se désoler que 15,3 % des élèves des 13 pays de l’OCDE testés n’atteignent pas le niveau 2, et que 4,8 % n’atteignent pas le niveau 1 mais, avec les mêmes chiffres, on peut aussi se féliciter que 95,2 % de ces mêmes élèves égalent ou dépassent le niveau 1. De même le fait que près de 62 % des jeunes de ces pays aient un niveau supérieur ou égal à 3 peut être un sujet de satisfaction.
Mais dans tous les cas, les résultats des jeunes Français sont inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE.
La France en retard
Les résultats des élèves français sont inférieurs à la moyenne des 13 pays de l’OCDE ayant participé à l’évaluation. Un élève sur cinq (contre 15,3 % pour la moyenne OCDE) n’atteint pas le niveau 2 de compétence financière. Au mieux, ces élèves peuvent faire la différence entre besoins et souhaits, prendre des décisions simples sur les dépenses quotidiennes et savent à quoi servent les documents courants tels qu’une facture.
Déjà passables en mathématiques, les jeunes Français sont encore moins bons en culture financière que ne le laisseraient présager leurs résultats en maths. Cela confirme que notre enseignement de mathématiques doit être davantage ancré dans les expériences de vie concrètes auxquelles sont confrontés les jeunes.
Les questions qui nous posent problème
Dans notre article détaillant les résultats de l’enquête Pisa sur la culture financière des jeunes de 15 ans dans 18 pays, dont la France, nous avons donné un exemple de question de niveau 4 tout à fait pertinent. Il en est de même pour le niveau 1 et 2.La question de niveau 1 vise à vérifier si les élèves comprennent qu’une facture est émise en vue d’un paiement et non a posteriori.La question de niveau 2 vise selon nous, au moins dans la version française, à tester la richesse de vocabulaire des jeunes et en l’occurrence à vérifier s’ils savent que l’indication « frais de port » sur une facture renvoie aux « frais d’expédition ».Et la question de niveau 4 permet de tester la compréhension par les élèves de la différence entre le salaire brut et le salaire net versé.Cependant, les exemples de niveaux 3 et 5 nous amènent à nous poser des questions sur le libellé des exercices.
Les questions de l’évaluation PISA se réfèrent souvent à des situations qui se déroulent en Zedlande, pays fictif dont la devise est le zed.
L’évolution du prix d’une action. Oui, mais à quelle date ?
La question de niveau 3 traite de l’évolution de l’action « Rich Rock ».
Seule réponse correcte selon l’OCDE : « le meilleur mois pour acheter des actions était celui de septembre »
Cet exercice suppose de :
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savoir lire un graphique,
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comprendre qu’il vaut mieux acheter des actions au plus bas,
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calculer des pourcentages. En cela il est intéressant. On observera toutefois que la formulation de l’affirmation « le prix de l’action a augmenté d’environ 50 % sur toute l’année » est au minimum maladroite, car elle peut faire référence au minimum et au maximum de l’année – et alors, oui, le prix de l’action a augmenté d’environ 50 %, passant d’un plus bas en septembre autour de 1,70, à un plus haut en février/mars autour de 2,55 – ou, comme on suppose que cela a été conçu par l’OCDE, l’évolution entre le début et la fin de la période.
Comparer deux crédits… Oui, mais sans intégrer l’allongement de la durée du prêt
Voici l’intitulé de la question numéro 5 :
Mme Jourdan a souscrit un prêt de 8 000 zeds auprès de Zed finance Premier. Le taux d’intérêt annuel est de 15 %. Elle rembourse 150 zeds chaque mois. Au bout d’un an, Mme Jourdan doit toujours rembourser 7 400 zeds.
Un autre organisme financier, appelé Crédit Zedplus, propose à Mme Jourdan un prêt de 10 000 zeds à un taux d’intérêt annuel de 13 %. Elle rembourserait aussi 150 zeds chaque mois.
Si Mme Jourdan souscrit le prêt proposé par Crédit Zedplus, elle pourra immédiatement rembourser le prêt existant.
Question : Quels sont les deux autres avantages financiers pour Mme Jourdan si elle souscrit le prêt auprès de Crédit Zedplus ?
La réponse correcte est, selon l’OCDE : « Elle paiera moins d’intérêts ET elle aura davantage d’argent disponible »
Sans doute dispose-t-elle de 2600 zeds supplémentaires une fois remboursé son premier crédit. Mais si elle n’en a pas un besoin urgent, est-ce réellement un avantage financier que de s’endetter à 13 % par an sans raison?
Quant à l’autre avantage avancé, il nous a surpris. Car, intuitivement, il nous semblait que Mme Jourdan, empruntant une somme plus importante sans changer la mensualité, risquait plutôt de payer plus d’intérêts, et non pas moins. Une rapide vérification sur notre calculateur nous a confirmé ce point. Pour 10 000 zeds empruntés à 13 % avec une mensualité de 150 zeds, la durée de remboursement est de 113 mois et lecoût du crédit de 6921 zeds.
Tandis que pour 8 000 zeds empruntés à 15 % avec une mensualité de 150 zeds, la durée de remboursement est de 84 mois et lecoût du crédit de 4615 zeds.
Gageons que la question n’a pas été posée ainsi ni jugée avec ces critères. Le contraire serait donner raison aux pourfendeurs de l’éducation financière qui n’y voient que l’occasion de défendre le système bancaire avec de forts présupposés idéologiques, ou aux sceptiques qui estiment que l’éducation financière ne sert à rien. Alors que comprendre comment marche – vraiment – un crédit, apprendre à se poser les bonnes questions (quels sont mes besoins et à quel horizon, quels sont les risques que je suis prêt à accepter?…), savoir décrypter une offre soi-disant mirifique, sont des savoir-faire importants et même essentiels que l’école devrait pouvoir transmettre à nos jeunes.
réellement intéressant