Le fonds vert pour le climat

la finance pour tous

Le protocole de Kyoto signé en 1997 était fondé sur le principe de responsabilité commune mais différenciée. Cela reste un principe essentiel de la gouvernance internationale de la lutte contre le changement climatique.

Le Mécanisme de Développement Propre (MDP)

Dans le protocole de Kyoto, ce principe avait été concrétisé de la façon suivante : les Etats industrialisés (38 pays) responsables du stock de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle et de 55 % du flux mondial en 1997 se sont engagés à réduire de 5,2 % en moyenne leurs émissions sur la période 2008-2012 par rapport à 1990.

Les autres pays, considérés à l’époque uniformément comme pays en développement, n’ont pas eu d’obligations de réductions. Le protocole de Kyoto n’a pas créé de fonds financier spécifiquement dédié à l’enjeu du climat. Il a cependant introduit le Mécanisme de Développement Propre (MDP) qui a  constitué un mécanisme de  souplesse pour les pays industrialisés et, dans une certaine mesure, une aide à la lutte contre le réchauffement climatique pour les pays en développement.  Les pays industrialisés pouvaient acheter des permis d’émission comptabilisés dans leurs objectifs de réduction en finançant des  projets de réduction dans les autres pays.

Entre 2004 et 2014, le MDP a généré près de 8000 projets dans 110 pays. Outre un déséquilibre géographique (sur-représentation de la Chine et de l’inde, sous-représentation de l’Afrique), l’efficacité environnementale du mécanisme a souvent été critiquée et les MDP sont en nette perte de vitesse. Ils ne sont plus adaptés à un monde qui a profondément changé.

GES par region

Les pays en développement ne constituent plus du tout un ensemble homogène par rapport à la lutte contre le changement climatique. Les pays émergents représentent maintenant 48 % des effets de gaz à effet de serre (dont 30 % pour la Chine, l’inde, le Brésil et la Russie (BRICS).

Leur modèle de développement (industrialisation, urbanisation rapide) a généré des pollutions considérables avec des conséquences négatives sur la qualité de vie des populations. Ils sont également plus fortement exposés que les pays d’Europe aux effets des dérèglements climatiques. La fonte des glaces de l’Himalaya, par exemple, menace l’approvisionnement en eau douce de l’inde et de la Chine.

Ces pays doivent donc s’engager à maîtriser leurs émissions, faute de quoi il serait impossible de rester en dessous de 2°C de réchauffement planétaire. Par ailleurs, ils ont moins de raisons de bénéficier d’aides et de mécanismes de transferts en provenance des pays industrialisés. Ces pays, et notamment l’Inde, restent cependant légitimement attachés à des exigences d’équité entre le Nord et le Sud notamment en ce qui concerne les transferts de technologie verte et les droits de propriété les concernant comme cela avait déjà été le cas sur les médicaments.

Cependant les différences se sont considérablement creusées avec les pays pauvres. Ces pays qui émettent relativement peu de gaz à effet de serre sont les plus vulnérables aux effets du réchauffement, que ce soit en termes d’ampleur des catastrophes climatiques, de submersion des territoires ou de dégradation de la productivité agricole.

Ces pays ont donc besoin d’engagements et d’actions ambitieuses de la part des autres pays pour que ceux-ci limitent leurs propres émissions dont ils payent, en quelque sorte, pour partie la facture.

Ils ont aussi besoin de soutiens financiers pour eux-mêmes, afin de réaliser deux objectifs : d’une part pour s’adapter aux chocs climatiques (par exemple pour la construction de digues pour se protéger de la hausse du niveau des mers). D’autre part, pour accéder à des objectifs de développement et de lutte contre la pauvreté tout en limitant leurs émissions de CO2.

100 milliards de dollars par an en 2020

Dans cette perspective, la COP de 2009 à Copenhague a décidé la création d’un Fonds multilatéral vert pour le climat, avec l’engagement qu’il soit abondé à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.

La gouvernance du fonds est aujourd’hui mise en place. Le siège du Fonds est à Songdo en Corée du Sud. Il est gouverné par un Conseil d’administration de 24 membres dont la moitié provient de pays en développement. Il est administré par un secrétariat permanent. Les financements sont attribués sur projets (comme pour les MDP). Les projets reçus sont analysés par le secrétariat avec avis obligatoire d’experts indépendants. Les décisions sont prises par le Conseil d’administration.

Mais on est encore très loin du compte et de nombreuses questions restent posées :

Mobilisation de ressources fiscales nouvelles

Compte tenu des difficultés budgétaires des pays développés, on peut se demander s’il est réaliste de proposer qu’ils mobilisent individuellement de nouvelles ressources fiscales.

C’est pourquoi le Conseil économique Social et environnemental – (CESE), propose à nouveau la mise en place d’une taxe internationale sur les transactions financières ainsi que la mise à contribution des transports internationaux aériens et maritime. Ces propositions sont reprises par Pascal Canfin et Alain Grandjean dans leur rapport sur les financements innovants pour le climat remis au Président de la République en juin 2015.

Aide au développement et financement du fonds vert

La mobilisation des banques de développement et leur association au financement du fonds vert fait encore débat. Les pays en développement craignent également une réaffectation des aides publiques et des fonds pour le développement vers le fonds vert au lieu d’apports nouveaux. Il est en même temps indispensable que les actions sur les enjeux du climat dans les pays pauvres soient articulées à celles pour le développement durable.

Articulation des fonds publics et des financements privés

Les apports éventuels de fonds privés dans les 100 milliards de financement du fonds vert est un sujet de controverse. Au-delà se pose la question de l’articulation des fonds publics et des fonds privés dans le financement des projets eux-mêmes. Les économistes Anton Brender et Pierre Jacquet considèrent que c’est un sujet central pour l’innovation financière (Article « Comment financer le climat ? » dans « Le Climat va-t-il changer le capitalisme »)

Le financement mixte doit répondre à un cahier des charges précis. Il peut réconcilier les intérêts publics avec les intérêts privés et mettre l’accent de façon concrète et efficace sur les résultats et la performance.

La gouvernance du fonds et des projets

La participation des ONG et de la société civile à la gouvernance du fonds et à celle des projets n’est pas suffisamment établie. Or comme l’expliquent Katheline Scubert et Akiko Suwa-Eisenmann (article « Les pays du Sud face au changement climatique », ouvrage collectif Eyrolles 2015) « L’adaptation dans les pays en développement ne se résume pas à un face-à face entre l’Etat et le secteur privé, -Dans ces pays, les gouvernements sont souvent faibles et incapables d’intervenir efficacement. Les marchés (de crédit, d’assurance ou fonciers) ne fonctionnent pas bien ou sont tout simplement manquants. Aussi les communautés peuvent prendre le relai en créant des mécanismes informels de coopération et de contrôle ».

Lutte contre le réchauffement climatique et éradication de la misère

Les enjeux de lutte contre le réchauffement climatique et de lutte contre l’éradication de la misère et de la pauvreté sont inextricablement liés.

Les actions du fonds vert pourraient rester trop climato-centrées, et ne pas cibler la sortie de la pauvreté comme politique d’adaptation prioritaire tout en y associant des modalités et des contenus qui contribuent malgré tout à des réductions d’émissions de gaz . L’économiste Sandrine Mathy propose pour sa part la création d’une fenêtre de financement pauvreté-adaptation-atténuation dans le Fonds Vert Climat.

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