Quelques comparaisons internationales en matière de hautes rémunérations

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Cet article s’appuie sur une étude de Bloomberg, parue en 2017. Celle-ci n’a, à notre connaissance, pas été réactualisée depuis.

Une étude de l’Agence Bloomberg révèle que ce sont les patrons américains qui sont les mieux payés suivis des Suisses et des Hollandais. Rapportées au PIB par habitant, les rémunérations des dirigeants des entreprises américaines sont toujours les plus élevées, mais la seconde marche du podium est cette fois-ci occupée par les patrons indiens. Les Français sont eux 15e de ce classement.

Les dirigeants américains sont les mieux payés

Sur la base des rémunérations versées par les entreprises composant l’indice boursier de chaque pays, les patrons américains font de loin la course en tête avec un salaire moyen de 14,25 millions de dollars.  C’est près de 68 % plus élevé que les patrons suisses du Swiss Market Index et 4 fois plus que la moyenne mondiale calculée sur 22 pays.

L’indice mondial des rémunérations des dirigeants (pondérées par les capitalisations boursières)

 

Rémunération (millions de dollars)

Multiple par rapport à la moyenne

Moyenne

3,55

1

Etats-Unis

14,25

x 4,01

Suisse

8,5

x 2,39

Pays-Bas

8,24

x 2,32

Royaume-Uni

7,95

x 2,24

Canada

6,49

x 1,83

Allemagne

6,17

x 1,74

Australie

4,96

x 1,40

Espagne

4,89

x 1,38

Hong-Kong

4,88

x 1,38

Singapour

4,62

x 1,30

France

2,75

x 0,77

Japon

2,2

x 0,62

Chine

1,9

x 0,53

Inde

1,5

x 0,42

Norvège

1,28

x 0,36

 Source : Bloomberg

Prendre en compte le niveau de vie de chaque pays

L’agence Bloomberg a cependant affiné son analyse en rapportant ces salaires au revenu moyen qui a été approximé avec le PIB par habitant. Afin d’éviter les distorsions de niveau de vie entre les pays, ces calculs ont été réalisés à parité de pouvoir d’achat (PPA). A partir de cette approche, quelques pays émergents font leur entrée dans ce classement : l’Inde, l’Afrique du Sud ou encore la Chine.

Rémunérations des dirigeants par rapport au revenu moyen

Rémunération (millions de dollars)

Multiple par rapport à la moyenne du PIB/hab. en PPA

Etats-Unis

14,25

x 265

Inde

1,46

x 229

Grande-Bretagne

7,95

x 201

Afrique du Sud

2,21

x 180

Pays-Bas

8,24

x 171

Suisse

8,5

x 152

Canada

6,49

x 149

Espagne

4,89

x 143

Allemagne

6,17

x 136

Chine

1,87

x 127

France

2,75

x 70

Norvège

1,28

x 20

Source : Bloomberg

Cette suprématie américaine, nous la retrouvons donc logiquement dans le salaire des 10 dirigeants les mieux payés qui sont tous américains.

Les 10 plus hauts salaires de dirigeants d’entreprise en 2016 (en millions de dollars)

Nom

Entreprise

Salaire

Marc Lore

Wal-mart

237

Tim Cook

Apple

150

John S.Weinberg

Evercore Partners

124

Sundar Pichai

Alphabet (Google)

107

Elon Musk

Tesla

100

Ginni Rometty

IBM

97

Mitch Garber

Ceasers Acquisition

91

Philippe Dauman

Viacom

88

Les Moonves

CBS

84

Mario J. Gabelli

Gamco Investors

76

Source : Bloomberg

A titre de comparaison, les plus hautes rémunérations des patrons du CAC 40 étaient toutes inférieures à 10 millions d’euros en 2015, à l’exception d’Olivier Brandicourt dirigeant du groupe pharmaceutique Sanofi.

Mieux vaut encore être patron que sportif

Autres éléments de comparaison, les rémunérations des sportifs qui défraient aussi régulièrement les chroniques journalistiques. Pourtant, les rémunérations des sportifs les plus célèbres restent encore en deçà de celles des 10 dirigeants les mieux payés.

Les 10 plus hautes rémunérations des sportifs en 2016 (en millions de dollars)

Sport

Nom

Salaire

Contrats

Total

Football

Cristiano Ronaldo

56

32

88

Football

Lionel Messi

53,4

28

81,4

Basketball

LeBron James

23,2

54

77,2

Tennis

Roger Federer

7,8

60

67,8

Basketball

Kevin Durant

20,2

36

56,2

Tennis

Novak Djokovic

21,8

34

55,8

Foot américain

Cam Newton

41,1

12

53,1

Golf

Phil Mickelson

2,9

50

52,9

Golf

Jordan Spieth

20,8

32

52,8

Basketball

Kobe Bryant

25

25

50

Source : Forbes

Comment comprendre ces niveaux de rémunération ?

Selon une étude datant de 2014 du plus grand syndicat américain AFL-CIO, le ratio entre le salaire des dirigeants des entreprises composant l’indice boursier du S&P 500 et de leurs salariés est passé de X 41 en 1983 à x 347 en 2016. Qu’est-ce qui a pu justifier en un peu plus de 30 ans une telle augmentation.

Des parts variables qui augmentent

C’est d’abord l’augmentation de la part variable dans la rémunération totale des dirigeants qui explique cette envolée des inégalités. Avec l’enrichissement des « packages » avec des stock-options, des attributions d’actions gratuites, etc… la rémunération des dirigeants est devenue de plus en plus corrélée aux marchés boursiers.

Comme l’illustre le graphique ci-dessous, depuis le milieu des années 70, l’indice du salaire moyen aux Etats-Unis a été multiplié par 5,63, alors que les capitalisations boursières des entreprises composant le Dow Jones a été multipliées par près de 400 fois.

Evolution du marché action et des salaires aux Etats-Unis (base 100)

Cependant, l’indexation de plus en plus grande de la rémunération des dirigeants sur l’évolution du cours de bourse de leurs entreprises a mené à des abus en focalisant ces dirigeants sur des critères de performances financières de court terme.

C’est pour cette raison, que ces « packages » salariaux prennent de plus en plus en compte des critères qualitatifs et de long terme qui retiennent des éléments de soutenabilité de la croissance de l’entreprise.

Une comparaison qui auto-entretient la hausse des rémunérations

Autre phénomène qui a soutenu cette progression fulgurante des rémunérations, la tendance à la comparaison des rémunérations des PDG. Depuis les classements dans les magazines aux études des cabinets de consultants, la globalisation a rendu mondiale la progression des salaires des dirigeants justifiée par celle de leurs concurrents. Cette comparaison est d’ailleurs douteuse quand nous observons que les grandes compagnies internationales sont généralement dirigées par des personnes de la même nationalité que l’entreprise.

Pour quelques dirigeants d’entreprises, cette rivalité de prestige n’a pas connu beaucoup de limite. En effet, avec un conseil d’administration acquis à sa cause,  pour la bonne raison qu’il est composé bien souvent de membres dont il votera lui aussi à son tour la rémunération, certains dirigeants d’entreprise ont pu voire chaque année leur rémunération réévaluée et pas seulement au rythme de l’inflation.

C’est pour cette raison que la législation est devenue de plus en plus contraignante sur le mode de fixation des rémunérations des dirigeants. Aux Etats-Unis, à la suite de la crise de 2008, la loi Dodd-Frank de 2010 exigea la diffusion des rémunérations rapportées à celles des salariés. En France, le code de bonne conduite AFEP-MEDEF devait éviter des dérapages sur les rémunérations des dirigeants français. Mais après de nouveaux scandales, le gouvernement a dû légiférer en 2016 pour rendre contraignant le Say on pay.

Cette formulation anglo-saxonne désigne le droit des actionnaires à émettre une opinion sur la rémunération des dirigeants. Auparavant seulement consultative, elle est devenue à cette date contraignante : si plus de 50 % des actionnaires ne votent pas le « package » de rémunération proposé, les dirigeants devront revenir avec une nouvelle proposition ou conserver leur ancienne rémunération.

Une raison de plus de faire valoir son droit d’actionnaire et de voter aux assemblées générales ou d’investir dans des fonds commun de placement (FCP) qui exercent ce droit en s’imposant des critères clairs de vote sur les sujets de développement durable dont font parties les rémunérations des dirigeants.

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