Un projet de taxe écologique ancien
La taxation des activités polluantes ou de la pollution est un dispositif préconisé de longue date par l’économie classique. La taxe carbone en particulier est une forme de taxe pigouvienne, d’après l’économiste Arthur Pigou qui a le premier suggéré l’idée de taxer les externalités négatives. On dit qu’un agent économique génère une externalité négative lorsque son activité crée un dommage ou une nuisance pour les autres sans qu’ils ne reçoivent de dédommagement en échange.
Le principe d’une taxe pigouvienne est de refléter dans le prix du bien payé par un individu le coût ou les dommages que celui-ci entraîne pour la société dans son ensemble. Ainsi, l’émission de CO2 causée par la consommation d’énergie fossile crée une pollution qui cause un dommage à tous, mais que l’individu pollueur ne paie pas dans le prix. La taxe, en augmentant le prix du bien, va donc intégrer ce coût pour la société et diminuer la consommation de biens polluants.
La taxe carbone s’appelle officiellement la « contribution climat énergie » ; en effet une contribution, contrairement à une taxe, est réservée à une utilisation prévue d’avance. Dans le cas de la contribution climat énergie, il s’agit de financer la transition énergétique avec les recettes du dispositif. La taxe carbone est source de recettes non négligeables : elle a rapportée 3,6 milliards d’euros en 2016, dont 3 milliards ont servi à financer le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).
Le gouvernement Fillon avait tenté une première fois en 2009 de mettre en place une taxe carbone mais le Conseil constitutionnel avait censuré la partie de la loi de finances concernant la mise en place de cette mesure en raison des nombreuses exonérations qu’elle comportait. A cette époque, le rapport de la « conférence des experts » préparatoire à la mise en place de la taxe (présidée par Michel Rocard) préconisait un niveau de départ de 32 € de taxe pour 1 tonne de CO2 émise et une augmentation régulière de la taxe jusqu’à 100 € de taxation de la tonne d’émission de CO2 en 2030.
Une hausse constante du niveau de la taxe carbone
C’est finalement le gouvernement Ayrault qui met en place la taxe carbone, entrée en vigueur en avril 2014 en fixant un niveau initial de 7 € par tonne de carbone émise. Là-aussi, les exonérations sont nombreuses, des transporteurs routiers au transport aérien ou à l’agriculture. Ce montant a été revu chaque année et a atteint, en 2018, 44,60 €/t. Néanmoins, depuis la première tentative de taxe carbone, les ambitions de la France ont été revues à la hausse par le Plan Climat voté en mars 2018 et son objectif est désormais d’atteindre la neutralité d’émission en 2050. Cela suppose de dépasser largement le montant maximal prévu initialement de 100 €/t par la loi de transition énergétique de 2015 pour monter plutôt jusqu’à 160 €/t en 2030.
Les attentes de l’OCDE
« La fiscalité constitue un levier efficace pour faire baisser les émissions dommageables liées à la consommation d’énergie, mais les gouvernements pourraient en faire un meilleur usage ». Selon l’OCDE, il est nécessaire de « s’attaquer à la principale source d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques ». Le rapport (basé sur 42 pays de l’OCDE et du G20, collectivement à l’origine d’environ 80 % de la consommation d’énergie mondiale) précise ainsi qu’exception faite du transport routier, 81 % des émissions échappaient à toute imposition. Et 97 % d’entre elles étaient taxées à un taux inférieur à l’estimation basse du coût climatique (30 € par tonne de CO2)
La taxe carbone est intégrée dans la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), c’est donc une taxe prélevée auprès du producteur d’énergies émettrices de carbone, qui la répercute sur le prix facturé aux consommateurs. Jusqu’ici, les hausses successives de la taxe carbone ont été relativement indolores car le prix du baril de pétrole s’est effondré en même temps. Néanmoins, avec la remontée des prix du pétrole, la taxe pourrait être ressentie beaucoup plus violemment par les ménages.
Bonjour,
Merci pour l’article clair et concis.
Sauriez vous si dans la pratique, la taxe carbone s’est avérée plus « efficace » pour certains secteurs économiques que pour d’autres ? Il y a t- il des secteurs ou celle-ci n’a pas eu l’effet escompté de réduction des émissions de carbone malgré son augmentation ces dernieres années ?
Merci d’avance pour votre réponse.
Bonjour,
Une étude de l’OCDE publiée en février 2020 estime que la taxe carbone a, en France, entre 2013 et 2018, permis de réduire, au niveau agrégé, de 5 % les émissions de CO2. Dans cette même étude (disponible à l’adresse suivante : https://www.oecd-ilibrary.org/environment/les-effets-conjugues-des-prix-de-l-energie-et-de-la-taxe-carbone-sur-la-performance-economique-et-environnementale-des-entreprises-francaises-du-secteur-manufacturier_b8ca827a-fr), l’auteur estime qu’une augmentation de la taxe carbone aurait un effet le plus fort, en termes de réduction des émissions de CO2, dans les secteurs suivants : Boissons, Articles d’habillement, Textiles, Papier, Produits métallurgiques de base, … (cf. page 54).
Meilleures salutations,
L’Equipe de Lafinancepourtous.com
Les grandes entreprises polluantes (énergie, industries), au total environ 11000 entreprises les plus polluantes en Europe, sont soumises à un autre système de taxation : le marché européen des permis d’émissions négociables. Certes celui-ci est plutôt un échec, mais c’est la faute des Etats qui ont attribué trop de « droits à polluer ».
Quant aux autres pays, nous ne pouvons les contraindre. Mais nous pouvons servir d’exemple en étant vertueux. D’autant qu’ils ont pris des engagements lors de l’accord de Paris (2015) et que respecter ses engagements est une condition et un moyen d’obtenir des autres le respect des leurs. De plus, il y a des niveaux de décisions infra-nationaux qui font des efforts (les Etats fédérés aux USA par exemple).
La taxe carbone est une honte aucune société de CAC 40 polluante ne la paye ( Total Lafarge Air Liquide…..etc) mais aucun grand pays pollueur non plus ni l’Inde ni la Chine ni les USA….Nous oui Pourquoi ?
Bonjour,
Nous n’avons pas d’informations précises sur la fiscalité carbone en Inde et en Chine, il nous est donc difficile de vous apporter des précisions sur ce sujet.
Pour en savoir plus : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/synthese_rapport_final_benchmark_fiscalite_energie_ue_2016.pdf
Meilleures salutations
L’Equipe de Lafinancepourtous.com