Perspectives de croissance. Quels sont les principaux arguments des pessimistes et des optimistes ?

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Cet article et l’ensemble de ceux composant ce dossier consacré à la crise des subprimes ont été rédigés entre 2008 et 2010. Ils doivent être considérés en se plaçant dans le contexte de l’époque.

 

Tout le monde considère que les principaux pays développés, à commencer par les États-Unis, vont connaître un ralentissement de la croissance et que la situation économique mondiale est rendue plus difficile et incertaine du fait de la crise financière.

C’est par exemple ce que viennent d’affirmer ensemble les ministres des finances et les banquiers centraux des pays du groupe des G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada) réunis à Tokyo le 9 février 2008.Mais entre les analystes qui pensent qu’il s’agira d’un simple ralentissement provisoire et finalement limité et ceux qui vont jusqu’à établir un parallèle avec la crise de 1929, les différences de point de vue sont considérables.

Sur trois séries de questions, on retrouve les optimistes et les pessimistes.

La situation économique des États-Unis

  • Les plus optimistes considèrent que l’économie américaine reste solide. Il n’est pas encore certain que la crise immobilière et financière provoque une récession, c’est-à-dire un recul de la production durant au moins deux semestres consécutifs et pas seulement un ralentissement de sa croissance. Le 9 février à Tokyo, le secrétaire d’État américain aux finances, Henri Paulson, a réaffirmé sa confiance dans la croissance américaine en 2008. Selon lui, même si les États-Unis connaissent une récession, celle-ci sera faible dans son ampleur et sa durée (2 ou 3 trimestres proches d’une croissance zéro), suivie d‘une reprise qui ne serait lente que pendant un an ou deux.

    C’est le temps qu’il faudra pour absorber le choc et réaliser les ajustements nécessaires (rétablir l’équilibre sur les marchés immobiliers, assainir les bilans bancaires, redresser l’épargne des ménages). Un soutien efficace serait apporté par la politique de baisse des taux conduite activement par la FED et par le plan d’action fédéral mobilisant 150 milliards de $. Les défenseurs de cette thèse font valoir que l’économie américaine garde des points forts (productivité, capacité d’innovation, démographie), que les entreprises ne sont pas en situation de surendettement comme en 2001, et qu’il n’y a pas de bulle boursière.

  • Les pessimistes considèrent au contraire la récession comme quasi certaine. Ils font valoir que trois des secteurs clefs de l’économie américaine (immobilier, construction et automobile) souffrent de façon simultanée et profonde.

    A quoi s’ajoutent la faible épargne des consommateurs surendettés, la chute des investissements des entreprises, une grave crise des crédits et le baril de pétrole à 90 $ ou plus. Selon eux, il y a de gros risques que la récession soit longue et douloureuse. En tout cas, estiment-ils, la situation est différente de celle de la crise de 2000/2001 ; la politique monétaire de baisse durable de taux d’intérêt avait alors permis de rétablir assez rapidement les bilans des entreprises surendettées dans la bulle internet, et de financer les investissements immobiliers et la consommation des ménages. Ils craignent qu’aujourd’hui une telle politique ne soit pas suffisante.

La situation économique mondiale

  • Les plus optimistes ont bon espoir que la croissance de l’économie mondiale fasse preuve de résistance. Même si les États-Unis basculaient dans la récession, cela n’aurait pas de conséquences dramatiques. En janvier 2008, le FMI a certes révisé à la baisse ses prévisions de croissance mondiale mais celle-ci reste supérieure à 4 %.

    Pourquoi ? Parce que les pays émergents vont continuer à importer vigoureusement des produits d’équipement des pays développés, contribuant à réduire le déficit commercial américain. Même si certains pays d’Afrique ou d’Europe (notamment de l’Europe de l’Est) pourraient être pénalisés, on serait au total très loin d’une crise planétaire, mais plutôt dans une phase d’ajustement nécessaire, permettant d’assainir les bases de la reprise de la croissance future.

  • Cet optimisme n’est pas partagé par tout le monde : pour certains, un tel atterrissage en douceur de l’économie mondiale est très improbable. Il y a une grande incertitude sur l’évolution du dollar : un nouveau recul de celui-ci aggraverait les tensions entre les régions et aurait des conséquences négatives sur l’Europe. Mais même sans cela, l’Europe risque d’être fortement touchée. Le Royaume Uni et l’Espagne commencent à connaître des problèmes dans l’immobilier et des répercussions sur les banques. Les exportations allemandes seront plus difficiles, la croissance française va manquer de moteur et l’Europe dans son ensemble n’est pas parvenue jusqu’ici à mettre en place une politique monétaire et budgétaire de riposte.

    En outre, les exportations des pays émergents y compris la Chine subiront un contrecoup de la récession américaine et du fort ralentissement européen d’autant plus pénalisant pour la croissance qu’elles occupent une place importante dans celle-ci. Tourner davantage la croissance vers le marché intérieur et d’autres pays émergents ne sera pas une mince affaire mais une véritable mutation sociale, dans les infrastructures et les équipements, et dans l’industrie financière.

La crise financière proprement dite

  • Les plus optimistes considèrent qu’elle ne doit pas être surestimée. Même réévaluées, les pertes bancaires semblent absorbables. Les banques trouvent les ressources pour se recapitaliser et compenser leurs pertes. Les fonds souverains apportent leurs ressources financières abondantes. Ils viennent à la rescousse des banques américaines (Citigroup, MorganStanley…) mais aussi européennes (Barclay’s, UBS). Ils jouent un rôle stabilisateur.

    Les banques vont devenir pendant un temps plus prudentes dans l’octroi de crédits, mais la menace d’un blocage du crédit est peu probable particulièrement en France. Les ministres des finances et les banquiers centraux insistent sur la responsabilité qu’ont les banques de dévoiler rapidement et complètement leurs pertes pour restaurer la confiance.

    Chacun sait également que des leçons de la crise devront être tirées en ce qui concerne le fonctionnement et l’encadrement des banques et des marchés. Les autorités publiques des principaux pays et des instances internationales continuent d’afficher leur préférence pour des « solutions de marché », c’est-à-dire venant des entreprises elles-mêmes.

    Ils ne jugent pas la situation suffisamment grave et urgente pour donner la priorité à de nouvelles réglementations. Sans doute leur est-il difficile de se mettre d’accord pour les définir, mais ils ne voudraient pas non plus remettre en cause l’apport des mutations financières des décennies passées dans le financement de la croissance mondiale.

  • Là encore cet optimisme n’est pas partagé par tout le monde. Certains soulignent qu’il est d’autant plus difficile pour les banques de faire rapidement la vérité sur leurs pertes que celles-ci sont évolutives. La confiance ne reviendra pas rapidement. Et il est peu probable que les marchés arrivent à dégager par eux-mêmes les nouvelles régulations permettant de corriger les dérives de l’avidité financière des investisseurs et d’une titrisation excessive des crédits distribués par les banques.

    Faute de réformes suffisantes, la recherche de rendements élevés et la croissance rapide de la liquidité mondiale laissent en place la « machine à fabriquer les bulles ». Celles-ci risquent simplement de se déplacer d’un actif (valeurs internet, immobilier…) à un autre (matières premières, marchés des pays émergents). À moins que l’abondance de liquidités n’arrive même pas à remettre en route l’activité économique … et la machine à bulles.

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