Le livre noir des banques

la finance pour tous

Cette interview a été réalisée au début de l’année 2016. Le contenu de ce décryptage doit être considéré dans ce contexte.

Dominique Plihon, professeur d’économie à l’Université de Paris-Nord et membre du Conseil scientifique d’Attac. Il répond à nos questions à propos du livre-enquête dans lequel il s’interroge avec des économistes et des journalistes sur les visages cachées de la finance.

Le shadow banking

Selon notre analyse, une crise bancaire et financière est tout à fait possible dans les prochaines années. Les réformes réalisées, comme l’acte Dodd-Franck aux États-Unis ou l’Union bancaire européenne, nous apparaissent insuffisantes pour amener un changement véritablement significatif dans le fonctionnement du système financier.
Le modèle bancaire dominant en Europe, à savoir la banque universelle, n’a pas du tout été remis en cause. Or, ce modèle-là comporte un certain nombre de risques. La taille des banques est par exemple devenue « colossale ». On a en France quatre banques, dominant l’activité bancaire, que les autorités internationales considèrent comme des banques systémiques. Ce qui signifie qu’elles présentent un danger pour la stabilité du système bancaire et financier, non seulement français mais aussi international.

Revenons sur les réformes : celles-ci ne nous semblent pas avoir été menées de manière ambitieuse.
La loi bancaire française de 2013 est insuffisante car, contrairement à ce qui avait été annoncé dans le titre de la loi, la séparation entre les activités de détail et de marchés n’a pas été mise en place. Les professionnels de la banque et une partie des économistes critiques l’ont d’ailleurs reconnu.

La réforme de contrôle prudentiel des banques, réalisée dans le cadre de Bâle III, est une réforme qui n’est ambitieuse au niveau international qu’en apparence.

Certes, il y a eu des avancées importantes sur la question de la liquidité des banques. On a pris conscience que la crise de liquidités, à l’origine de la crise de 2008/2009, avait été largement sous-estimée. On a donc mis des normes et des limites à l’effet de levier qui vont dans le bon sens.

Mais, en réalité, la manière dont les normes de fonds propres ont été posées, le fait qu’on a toujours limité cette régulation à des banques stricto sensu (sans élargir le périmètre de la régulation) s’est traduit par le développement croissant du shadow banking ou la banque de l’ombre.
Or, cette banque-là a été au cœur de la crise de 2008/2009 ; aujourd’hui sa taille est devenue encore plus grande qu’elle ne l’était à la veille de 2008/2009, en Europe et notamment en France. Les banques continuent, et c’est là le problème, à contourner la régulation imposée par Bâle en allant vers le shadow banking qui est un secteur financier mal contrôlé et non régulé.

Enfin, la plupart des réformes de Bâle III ont pour horizon les années 2017/2018, ce qui a été obtenu par le lobby bancaire. Nous pensons qu’entre, aujourd’hui et 2017/2018, une crise bancaire est tout à fait possible.

Les banques, des acteurs majeurs de la spéculation ?

Depuis au moins deux décennies en France les banques ont élargi considérablement leurs activités.

A côté de l’activité bancaire traditionnelle (financement de l’économie par les crédits et de collecte de dépôts), les banques ont une activité sur les marchés financiers extraordinairement importante, l’essentiel de leurs chiffres d’affaires est fait sur ces marchés. Les banques ont une activité de « teneur de marché », c’est-à-dire qu’elles achètent et vendent des titres. Le portefeuille-titres des banques, c’est-à-dire tous les titres qu’elles détiennent, prend une place de plus en plus importante à tel point que nous pensons qu’à côté de l’intermédiation bancaire traditionnelle, il y a désormais une intermédiation de marché. Celle-ci consiste à financer l’économie en achetant des titres, par exemple des actions et des obligations d’entreprises.

Le problème est que cette dimension de financement de l’économie très utile est devenue marginale par rapport à leurs opérations qui sont de nature spéculative.

Celles-ci ont pour objectif de faire de la spéculation donc de réaliser des plus-values uniquement en jouant sur les différences de cours à très court terme, en utilisant des techniques très sophistiquées comme le trading à haute fréquence.
Cette activité, devenue extraordinairement importante, représente une menace pour la stabilité du système financier car les banques prennent des risques. Quand elles perdent de l’argent, cela leur coûte très cher et met en danger la stabilité du système bancaire.

Dans « le Livre noir des banques », nous donnons deux ou trois exemples de spéculation des banques. On s’aperçoit que la taille des opérations sur les « produits dérivés » est devenue monstrueuse. En France, si on prend toutes les banques, les opérations de produits dérivés représentent 23 fois la taille du PIB française.
C’est inscrit dans « le hors-bilan » des banques, c’est d’ailleurs comme cela que l’on peut le mesurer et cela ne cesse d’augmenter. Les grandes banques françaises sont des leaders mondiaux pour les produits dérivés, notamment des dérivés actions. Elles ont une activité hautement profitable mais dangereuse car cela implique des prises de risques excessifs.

Dans deux ou trois domaines, la spéculation des banques européennes et françaises est très active, notamment la spéculation sur les dettes souveraines (crise grecque, espagnole, irlandaise…). On a vu que les banques spéculaient pour gagner de l’argent, elles achètent et revendent des titres avec des plus-values importantes.
Elles utilisent des produits dérivés très sophistiqués, notamment les CDS (credits default swaps), c’est-à-dire qu’elles prennent des positions spéculatives sur la dette souveraine grecque, irlandaise. La championne dans ce domaine a été Goldman Sachs, mais BNP Paribas a été extrêmement présente dans ces activités-là.

On prend un autre exemple de spéculation, cette fois sur les matières premières. Les banques spéculent non pas  sur les matières premières mais sur des indices financiers, représentatifs de celles-ci. Elles ne détiennent pas les matières premières, elles spéculent en jouant à la hausse ou à la baisse sur les cours des matières premières. Le problème est que cela a des répercussions parfois  dramatiques sur les cours des matières premières, donc sur le prix des produits alimentaires pour les populations les plus pauvres, les plus déshéritées. En 2008/2009, quand les banques ont « transféré » leurs spéculations des marchés immobiliers vers les matières premières, cela s’est traduit par une hausse importante des prix des matières premières avec des famines alimentaires dans certaines parties de l’Afrique les plus pauvres, comme le Mali.

Nos grandes banques françaises ont fermé certains fonds qui spéculaient, considérant qu’elles étaient allées trop loin dans ce domaine, et ce sous la pression de l’opinion publique.

On donne d’autres exemples, sur le marché du carbone ou des droits à polluer. Là aussi, nos banques sont très actives pour spéculer sur ce marché des permis à polluer. Or, ce marché fonctionne très mal. Les banques y contribuent en spéculant sur ces produits. Le marché des permis à polluer, conçu comme un moyen pour décourager la pollution et l’émission de CO2, est devenu un instrument financier qui permet aux banques de gagner beaucoup d’argent avec des effets perturbateurs sur ce marché.

Les marchés financiers

Il y a deux formes de marchés financiers :

Les marchés organisés

Les marchés organisés sont les marchés sur lesquels il y a une autorité de marché qui fixe les règles, surveille les actions des opérateurs pour que le marché fonctionne bien  et éviter des opérations frauduleuses ou dangereuses.

Les marchés de gré à gré

Les marchés de gré à gré ont des marchés non régulés, sans autorité, sur lesquels on a des actions bilatérales entre deux acteurs sachant que les autres acteurs du marché ne connaissent pas ces opérations. Ce marché est donc un marché profondément opaque qui concentre aujourd’hui 80 % des opérations financières. Ce n’est donc pas « un petit marché », c’est même l’essentiel des opérations financières. Les autorités européennes ont eu conscience de ce problème car c’est là que se situent la spéculation, la prise de risque. Les autorités ont commencé par organiser plus de transparence sur ce marché, notamment avec une directive européenne obligeant les opérateurs à déclarer leurs opérations auprès d’une autorité, une chambre de compensation. C’est un premier pas important mais totalement insuffisant parce qu’on n’interdit pas ces opérations, on ne les limite pas, et certaines d’entre elles sont très dangereuses.

Mais il y a un domaine où les banques se sont engagées de manière tout à fait critiquable et répréhensible, c’est ce que l’on appelle le trading à haute fréquence ou la négociation à haute fréquence.
Cela consiste à utiliser les ordinateurs et les logiciels extrêmement performants pour pouvoir faire des opérations d’achat et de vente sur les marchés, à la vitesse de la lumière puisque les ordinateurs fonctionnent à la vitesse de la lumière.
Ce qui a entraîné une accélération considérable de ces opérations, le danger est que le marché s’emballe à un certain moment, notamment si le logiciel n’a pas été conçu pour arrêter ces opérations quand elles dépassent une volatilité donnée. Aujourd’hui, les autorités font des déclarations plutôt favorables à l’arrêt de ces opérations. Par exemple, Mr Jouyet avait déclaré, quand il était président de l’AMF : « ce sont des opérations dangereuses et qu’il serait souhaitable de les stopper« . Mais rien n’a été fait, pas plus en France qu’ailleurs.

De plus, la loi bancaire française ou la taxation sur les transactions financières d’août 2012 ont soigneusement évité de réguler et de s’attaquer au trading à haute fréquence. Or,  les travaux des économètres convergent pour dire que si l’on appliquait une taxe (même très faible) sur ces opérations de trading à haute fréquence, elles s’arrêteraient pratiquement.
En effet, elles ne seraient plus rentables car elles jouent sur des marges extraordinairement faibles. Il faut avoir le courage politique de taxer ces opérations, ce n’est pas fait parce que les banques gagnent beaucoup d’argent sur ce type d’opérations.

Banques et évasion fiscale

L’évasion et la fraude fiscale sont vraiment reconnues comme étant un fléau dans les médias, auprès de l’opinion publique et des responsables politiques.

Or, les principaux acteurs qui organisent et profitent, en gagnant beaucoup d’argent, de l’évasion fiscale sont les grands banques.
On a beaucoup parlé d’HSBC, mais uniquement à propos de l’évasion fiscale de particuliers. Ce qu’il faut savoir est que l’essentiel de l’évasion fiscale  n’est pas le fait des particuliers, en réalité ce sont les grandes entreprises transnationales, comme Total qui vient d’ailleurs de déclarer qu’elle retirait certaines de ses filiales dans les paradis fiscaux. On emploie un terme pour montrer que c’est une activité de grande ampleur, on dit que s’est développée une industrie de l’évasion fiscale, une véritable industrie internationale de l’évasion fiscale, dans laquelle les grandes banques françaises (BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et BPCE) ont des positions de leader.
Or, c’est insupportable à un moment où les finances publiques, dans tous les pays de la planète notamment en France et en Europe, souffrent de déficits excédentaires et d’une dette publique difficilement à maîtriser, on voit qu’une part importante des recettes fiscales échappe à cause de l’évasion ou de la fraude ou ce qu’on appelle, dans les milieux bancaires et financiers, l’optimisation fiscale. La Cour des Comptes a estimé qu’en France, chaque année, il y a entre 60 et 80 milliards d’euros qui échappent au budget de l’Etat français. C’est comparable au déficit de l’Etat français qui est de l’ordre de 90 milliards. Cela  veut dire que si on arrivait à supprimer, ne serait-ce que la moitié de cette évasion fiscale, le déficit serait réduit pratiquement de moitié en France.

Il faut bien faire la distinction entre l’évasion et la fraude fiscale. La fraude est illégale, par contre l’évasion est légale et c’est là qu’interviennent les banques. Les banques sont très actives pour conseiller leurs clients pour passer entre les mailles du filet, de manière non répréhensible officiellement, mais en même temps pour pouvoir échapper à la fiscalité.

Si vous allez sur le site par exemple de BNP Paribas, dans la partie « gestion de patrimoine des clients », vous constatez qu’elle propose des solutions pour faire de l’optimisation fiscale, solutions qui peuvent aller jusqu’à la création de sociétés-écrans.
Celles-ci mettent un écran entre les autorités fiscales et le paradis fiscal où l’argent va être « logé », de manière à ce que les autorités ne puissent plus poursuivre les entreprises ou les particuliers qui échappent à l’impôt. Ceci rapporte beaucoup d’argent aux banques et il faut savoir que les banques font de l’évasion fiscale principalement pour leurs clients mais aussi pour elles. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, consacré aux entreprises financières, a montré que les banques françaises paient moins d’impôt que les autres entreprises, notamment parce qu’elles savent très bien échapper à la fiscalité.
A cause des scandales à répétition dont le dernier est celui d’HSBC, l’opinion publique est en colère car elle est très consciente de ce problème là si bien que les autorités publiques sont obligées d’agir.

Mais ceci est totalement insuffisant. Dans la loi bancaire française de 2013, sous la pression de certaines ONG dont Attac, Oxfam, CCFD, il y a une disposition prise pour que les banques déclarent une fois par an les filiales qu’elles détiennent dans les paradis fiscaux.
Non seulement elles doivent déclarer ces filiales mais aussi déclarer leurs chiffres d’affaires et les effectifs qu’elles détiennent. Grâce à ce reporting, publié pour la première fois en décembre 2013, on s’aperçoit que BNP Paribas détient 6 filiales dans les îles Caïmans sans aucun salarié dans ces filiales. Ceci est la preuve que ces filiales sont des sociétés-écrans pour organiser l’évasion fiscale.

Voilà un exemple de ce qui a été fait. Il faut que cela continue, les pouvoirs publics et l’opinion  doivent continuer à exercer une pression pour que cela  ne se produise pas.

Il y a des gouvernements qui ont pris des mesures beaucoup plus strictes. Les Etats-Unis ont fait voter une loi, la loi Fatca (Foreign Account Tax Compliance) qui est un acte fédéral  dont les caractéristiques sont très intéressantes. Il oblige toutes les banques dans le monde, en dehors des Etats-Unis, à déclarer aux autorités fiscales américaines les fonds qu’elles reçoivent des ressortissants américains.
Si ces banques ne le font pas et si les autorités américaines s’en aperçoivent, elles seront interdites de gestion ou d’activité  sur le sol américain. Comme les Etats-Unis sont la principale puissance financière du monde, on voit mal comment HSBC, BNP Paribas prendraient ce risque donc elles déclarent l’argent qu’elles reçoivent ce qui est un moyen de couper court à une partie non négligeable de l’évasion fiscale.
Il faudrait que l’Europe fasse la même chose. Puisque les EU l’ont fait, pourquoi l’Europe ne ferait pas une loi de ce type-là pour obliger toutes les banques dans le monde à déclarer les fonds qui proviennent de l’évasion fiscale ?

Les banques et le financement de l’économie

On peut dire aujourd’hui que les banques financent de moins en moins l’économie.

Quand on dit les banques, il s’agit de la banque traditionnelle c’est-à-dire la banque de détail qui collecte des dépôts, fait des crédits quand on dit financer l’économie c’est les crédits aux ménages par exemple pour qu’ils achètent leurs logements ou les crédits aux entreprises et plus particulièrement les crédits aux PME. On s’aperçoit qu’en France ou encore en Europe, on est encore des pays où l’essentiel des financements des entreprises, les deux tiers des financements si ce n’est 70 % aux PME passe par le crédit. Mais il y a un changement, au cours de la période récente, les banques contribuent par leurs comportements à désintermédier les financements et notamment  les crédits.

Elles créent un certain nombre de procédures, de produits pour qu’elles ne portent plus les crédits bancaires. Le plus connu d’entre eux est la titrisation.
La titrisation consiste pour les banques à prendre les crédits qu’elles ont effectué à leurs clients, qui peuvent être des particuliers ou des entreprises, à les transformer en titres négociables d’où le nom de titrisation pour les revendre à des investisseurs. Cette opération  permet aux banques de retrouver sa liquidité puisqu’elle vend ses crédits puis surtout de transférer les risques aux investisseurs, donc à des acteurs beaucoup moins régulés qu’elles.

On l’a vu, la crise des subprimes aux Etats-Unis qui s’est propagée en Europe est tout à fait liée à cette procédure de titrisation.
Mais ce qui se passe aujourd’hui, dans les années qui ont suivi la crise, c’est qu’on s’est aperçu qu’il y a de nouvelles formes de désintermédiation qui se développaient au sens où les banques vendent carrément  une partie de leurs crédits directement à des sociétés d’assurance.

Je prends un exemple bien connu, Société Générale a vendu 80 % de son portefeuille de crédits aux PME à 5 ans donc à horizon assez long à Axa ? Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que désormais la Société Générale ne garde dans son portefeuille que 20 % de ses crédits contre 80 % chez un assureur et du coup assume beaucoup moins les risques.

Quelle est la conséquence ? il y a un phénomène d’aléa moral. Quand les banques savent qu’elles pourront se débarrasser rapidement des crédits pour toute ou partie, elles sont beaucoup moins vigilantes sur la manière d’accorder ces crédits et c’est comme ça qu’on a eu des subprimes c’est-à-dire le fait que des banques accordent des crédits à des populations de ménages ou des entreprises extrêmement risqués sachant que de toute façon ce n’est pas eux qui porteront le risque dans l’avenir.
Ça pousse à la prise de risque, ça pousse au crime et ça a conduit à la crise des subprimes. Or aujourd’hui ça ne s’arrête pas mais ça continue.

Quelques exemples.

Les autorités publiques qui, à mon avis, n’ont pas tiré les leçons de la crise, ont décidé d’encourager la titrisation. Mr Barnier quand il était encore commissaire européen avant de partir a proposé que soit mise en place à l’échelle européenne une procédure pour favoriser la titrisation des crédits.

Deuxième exemple, la banque centrale européenne, Mr Draghi, a l’année dernière proposé  d’utiliser comme collatéraux, comme garanties en contrepartie de financement de la banque centrale des crédits titrisés et notamment des crédits aux PME avec l’idée que ça inciterait les banques à prêter aux PME puisque leur titrisation est reconnue et en plus encouragée car les produits titrisés seraient repris par la banque centrale dans ses opérations de refinancement. On a un processus qui s’engage.

Troisième exemple : ce que l’on appelle, c’est tout à fait nouveau,  les placements privés, ça c’est une désintermédiation totale.

 

On s’aperçoit aujourd’hui que beaucoup d’ETI, d’entreprises intermédiaires, qui sont une forme de PME cherchent à éviter les banques qu’elles sont trop restrictives à leur égard, trop coûteuses et vont chercher directement les investisseurs qui peuvent être des compagnies d’assurance ou des fonds spéculatifs s’il s’agit d’opérations relativement risquées pour se financer.

Aujourd’hui, il est question de mettre en place de plus en plus une régulation flexible, peu contraignante pour ce genre d’opérations pour inciter les PME à aller chercher l’argent directement auprès des investisseurs. On a là une désintermédiation totale.
Pourquoi nous sommes très critiques ? C’est que les banques se désengagent. Pour nous, les banques dans une économie, sont très utiles, ont une fonction majeure qui est de financer l’économie et de gérer les risques. Or si avec les techniques qu’elles utilisent aujourd’hui comme la titrisation ou les placements privés, elles se désengagent, c’est très dangereux car ce sont des acteurs qui sont dans le shadow banking, qui échappent à la régulation, qui échappent à la bonne connaissance des acteurs, quelquefois avec leurs complicités comme je viens de le montrer, qui financent une part croissante de l’économie.
Les chiffres que l’on a en ce moment c’est qu’en France le marché des placements privés pourrait atteindre 80 milliards d’euros ce qui est pas énorme mais ce qui montre qu’il est en plein développement. Je crois qu’il faut tirer la sonnette d’alarme.

Est-ce que l’on va vers un monde, un système financier dans lequel il y aurait une désintermédiation croissante et les banques seraient surtout des acteurs de marché, qui achèteraient et vendraient des titres, qui financeraient de moins en moins l’économie et en particulier les PME par les crédits et qui ne rempliraient pas leurs fonctions ?
Les banques se justifient dans cette affaire. Elles disent si nous faisons ça,  ç’est à notre corps défendant, c’est parce que la régulation prudentielle que l’on nous impose est trop contraignante, notamment les nouvelles normes Bâle III, trop de fonds propres, trop de ratios de liquidités, trop de ratios de leviers et du coup nous sommes obligées de chercher des techniques de financement qui nous permettent de contourner ces règles.

Cet argument me paraît  acceptable en partie, mais il prouve surtout que les autorités ont mal défini la régulation car si celle-ci avait un périmètre beaucoup plus large que les banques stricto sensu et porté aussi sur les opérateurs quasi bancaires ou para bancaires qui sont dans le shadow banking,  et si on leur imposé des normes de fonds propres, de liquidités alors on n’aurait pas ce problème.

Et donc aujourd’hui, on voit se développer ce shadow banking, qui est  à l’origine de la crise des subprimes, qui demain peut-être sera le centre d’une nouvelle crise sans que les autorités régissent et même on les voit au contraire favoriser ou laisser faire ce type d’opérations.

Donc  je crois que c’est très dangereux. Il y a une responsabilité partagée dans cette affaire, des banques mais aussi des autorités, les deux n’ont sans doute pas tiré les leçons de la crise des subprimes.

    4 commentaires sur “Le livre noir des banques”
    1. SUBPRIMES – Les analyses de la crise que j’ai pu lire ici et là ne mentionnent ni la loi CRA, ni les GSE (Fanny Mae / FreddyMac), ni la garantie implicite du Gouvernement sur les titres émis par les GSE, éléments pourtant importants du dossier. Fanny Mae a-t-elle effectivement accepté des crédits « sub »-subprimes sachant qu’elle bénéficiait de la garantie fédérale, le fameux alea moral ? Je le pense, sans en être certain. Le Gouvernement US a-t-il profité de l’ambiguité de sa garantie pour l’interrompre ou en réserver l’usage à ceratins acheteurs de titres ? J’ai fouillé lontemps dans les protocoles d’auditions du congrès US sans trouver la réponse claire sur ces sujets critiques. En fait les deux partis dominants, concernés l’un et l’autre par le fiasco avaient/ont intérêt à ne faire aucun aveu. Et les banques condamnées ces dernières années ont accepté de ne rien révéler.
      Clairement cette crise a eu plusieurs causes qu’il serait nécessaire d’analyser calmement et de hiérarchiser. Indépendamment de la crise, je trouve que la « chaine » des subprimes pourrait être enseignée en pré- et post bac pour son immense intérêt pédagogique : c’est la synthèse et la cohérence entre le monde bancaire et le monde des marchés, on y trouve micro (gestion des risques de la banques) et macroéconomie (pour quoi les banques ont des limites et la complémentarité banque-marché), la valeur ajoutée des fonds, les outils de limitation des risques, etc… Parler seulement de SHADOW BANKING à cet égard est un peu court, me semble-t-il…

      1. Bonjour,
        Nous ne sommes pas spécialistes du droit et de la politique américaine, nous ne pouvons donc pas vous donner plus d’informations sur les éventuelles garanties implicites dont auraient bénéficié Fanny Mae et FreddyMac.
        Meilleures salutations
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    2. TITRISATION – La titrisation (création de titres) ou son étape intermédiaire (cession de créances) sont ici décrits comme un moyen pour les banques « de se débarrasser rapidement » des crédits et d’être dès lors « moins vigilantes » sur la qualité de risque. Ex-CEO d’une institution financière en Allemagne (financement des PME), j’ai régulièrement pratiqué la cession de créances, « Forderungsverkauf ». Je peux vous dire que les banques acheteuses étaient – et c’est normal – extrêmement scrupuleuses quant à la qualité de risque des contrats cédés. Elles procédaient par sondage sur tels ou tels contrats et vérifiaient régulièrement les critères d’aceptation. Au fil des ans, la confiance était établie, mais jamais je n’ai vu le moindre relâchement dans leurs procédures d’acceptation. Et c’est normal, j’aurais fait de même à leur place. Une banque peut céder un paquet de mauvais crédits une fois, mais je doute qu’elle puisse continuer. Plus aucune banque ne fera affaire avec elle. Pire, son accès à l’interbancaire pourra être bloqué. Les banques se surveillent entre elles comme le lait sur le feu…

    3. Les banques pourraient bien essayer de continuer à financer l’économie. Mais l’ennui c’est qu’actuellement elles demandent à leurs clients de les financer.
      Elles sont entrées dans une phase de résistance pendant laquelle elles facturent des frais à tout va et font le nécessaire pour empêcher les clients de les quitter. 2 exemples de comportements scandaleux de la part des banques:
      1/ elles facturent des frais cachés sur les virements internationaux.
      2/ elles déclarent des suspicion de fraude lorsqu’un de leur client essait d’utiliser un service concurrent.
      Cela prouve qu’elles n’offrent plus de solutions viables. Elles n’essaient même pas. Elles rentabilisent. Et ce n’est pas bon économiquement parlant.

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