Bâle I

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Les années 1980 marquent un tournant majeur dans la régulation bancaire internationale. Face à la détérioration des ratios de capital des principales banques internationales et à l’aggravation des risques transfrontaliers, le Comité de Bâle développe le premier accord international sur les fonds propres bancaires. Ce cadre, connu sous le nom de Bâle I ou Accord de Bâle sur les fonds propres, pose les bases de la supervision bancaire moderne.

Contexte de Bâle I : une nécessité de coordination internationale

La crise de la dette latino-américaine comme révélateur

Au début des années 1980, la crise de la dette latino-américaine révèle la fragilité du système bancaire international. Les principales banques internationales voient leurs ratios de capital se détériorer précisément au moment où les risques internationaux s’accroissent. Cette situation alerte le Comité de Bâle sur la nécessité d’établir des standards communs pour préserver la stabilité du système financier mondial.

L’impératif de convergence réglementaire

Les membres du Comité, soutenus par les gouverneurs des banques centrales du G10, identifient deux objectifs prioritaires : stopper l’érosion des standards de capital dans leurs systèmes bancaires et œuvrer vers une plus grande convergence dans la mesure de l’adéquation des fonds propres. Cette démarche vise également à éliminer les inégalités concurrentielles résultant des différences entre les exigences nationales en matière de capital.

L’Accord de Bâle de 1988 : une approche pondérée du risque

Le ratio de 8 % : un plancher universel

Le Comité parvient à un large consensus sur une approche pondérée pour mesurer les risques, tant au bilan qu’au hors-bilan des banques. Cette méthodologie représente une innovation majeure, car elle prend en compte la nature différenciée des risques selon les types d’actifs détenus par les établissements bancaires.

L’Accord de Bâle de 1988 établit ainsi un ratio minimum de fonds propres sur actifs pondérés du risque de 8%, à mettre en œuvre avant la fin 1992. Ce ratio, connu sous le nom de ratio Cooke, constitue le premier standard international contraignant en matière de solvabilité bancaire.

Le principe est simple : les actifs sont pondérés selon leur niveau de risque de crédit (0% pour les emprunts d’État de pays de l’OCDE, 20% pour les prêts interbancaires, 50% pour les crédits hypothécaires, 100% pour les autres actifs), et les fonds propres doivent représenter au minimum 8% de ces actifs pondérés.

Ratio Bâle I / Cooke : Fonds Propres / Actifs pondérés du risque de crédit ≥ 8%

Si la banque accorde un prêt à une entreprise pour un montant total de 100 millions d’euros, elle doit disposer d’un minimum de 8 millions d’euros de fonds propres pour respecter la norme Bâle I. En revanche, si elle prête la même somme à une collectivité locale (une région française, par exemple), son engagement sera de 100 millions × 20 %, soit 20 millions, et elle ne devra plus disposer que de 1,6 million de fonds propres (8 % de 20 millions). Si le même prêt est accordé à un État de l’OCDE (comme la France), la banque n’a pas besoin de mettre des fonds propres en regard de cet engagement, puisque le risque de défaillance est considéré comme nul. 

Publié après consultation en décembre 1987, l’Accord sur les fonds propres est approuvé par les gouverneurs du G10 et communiqué aux banques en juillet 1988, pour une implémentation avant la fin 1992.

Une adoption mondiale dépassant les attentes

Initialement conçu pour les pays membres, ce cadre réglementaire est finalement adopté dans pratiquement tous les pays disposant de banques internationalement actives. En septembre 1993, le Comité confirme que les banques des pays du G10 ayant une activité bancaire internationale significative respectent les exigences minimales de l’Accord.

L’évolution de Bâle I : adaptation aux nouveaux défis

Les amendements successifs

L’Accord était conçu pour évoluer dans le temps. Plusieurs amendements viennent le préciser et l’enrichir.

  • Novembre 1991 : définition plus précise des provisions générales pouvant être incluses dans le calcul de l’adéquation des fonds propres.
  • Avril 1995 : prise en compte des effets de la compensation bilatérale des expositions de crédit sur produits dérivés.
  • Avril 1996 : extension aux effets de la compensation multilatérale.

L’amendement sur les risques de marché : une révolution méthodologique

En 1995, la banque Barings fait défaut (suite à des investissements catastrophiques en produits dérivés sur actions), et montre les insuffisances du ratio Cooke. En janvier 1996, après deux processus consultatifs, le Comité publie l’Amendement sur les risques de marché, effectif fin 1997. Cette extension majeure incorpore dans l’Accord une exigence de capital pour les risques de marché découlant des expositions des banques aux changes, titres de dette négociés, actions, matières premières et options.

L’aspect le plus novateur de cet amendement est l’autorisation, pour la première fois, d’utiliser des modèles internes (modèles de Value-at-Risk) comme base de mesure des exigences de capital pour risque de marché, sous réserve de standards quantitatifs et qualitatifs stricts. Cette possibilité marque le début d’une approche plus flexible et sophistiquée de la mesure des risques bancaires.

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L’héritage de Bâle I

Bâle I établit les principes fondamentaux de la régulation prudentielle moderne : l’approche par les risques, l’harmonisation internationale des standards, et l’équilibre entre sécurité du système et efficacité concurrentielle. Cependant, sa focalisation principale sur le risque de crédit et sa grille de pondération relativement simple montreront leurs limites face à la complexité croissante des activités bancaires.

Les innovations introduites par l’amendement sur les risques de marché, notamment l’utilisation de modèles internes, préfigurent les développements futurs de la régulation bancaire. Elles ouvrent la voie aux approches plus sophistiquées qui caractériseront Bâle II, permettant aux banques d’utiliser leurs propres méthodologies de mesure des risques sous supervision réglementaire.

    40 commentaires sur “Bâle I”
    1. Bonjour, je voudrais savoir si vous avez des ressources à me recommander ou si vous avez les indicateurs de risque de liquidité d’une compagnie de Leasing. Merci

      1. Bonjour,
        Nous ne disposons malheureusement pas de telles ressources.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    2. Bonjour, pourriez-vous me communiquer la notice explicative éditée par le comité de Bâle pour le ratio de liquidité à court terme. Cordiales salutations.

      1. Bonjour,
        Dans un article, intitulé « Basel III in Africa : Making it Work », l’économiste Peterson Ozili signalait que seule l’Afrique du Sud avait mis en place les régulations prévues par Bâle III. D’autres pays africains, comme l’Egypte, la Tanzanie, le Kenya, le Sénégal, le Cameroun, l’Ouganda, le Nigéria et le Ghana, étaient, au moment de la rédaction de l’article, en train d’implémenter la réforme Bâle II. Cet article a été rédigé en 2019, donc certaines évolutions sont possibles. Nous vous invitons à consulter le site de la Banque centrale du pays qui vous intéresse plus spécifiquement pour vérifier ce point.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    3. bonjour, svp je suis entrain de préparer un projet de thèse:  » la résilience du secteur bancaire face au risque de liquidité bancaire en période covid: l’importance des stress tests recommandés par Bale III; » pouvez vous m orienter plus et sur quels documents dois je me baser pour mieux structurer mon projet??
      merci pour vos aides

      1. Bonjour,
        Si vous vous intéressez au cas français, nous vous conseillons de consulter le dossier spécial de la Revue Banque de juin 2020, « Crise de Covid-19 : quelle résilience pour les banques françaises ? ». Plus généralement, le survey de A. Berger et A. Demirgüc-Kunt « Banking research in the time of COVID-19 », faisant le point sur les recherches menées dans le domaine depuis début 2020, devrait vous fournir des pistes de réflexion intéressantes. L’article est disponible à l’adresse suivante : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S157230892100098X.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    4. Bonjour, je suis étudiant.Cela concerne mes recherches sur ma thèse.Je voudrais savoir si vous avez des ressources à me recommander ou si vous avez les indicateurs de risque de liquidité d’une compagnie d’assurance.Merci d’avance.

      1. Bonjour,

        Nous vous conseillons de débuter vos recherches par la lecture de l’article « Indicateurs de risque et vulnérabilités en assurance sur données historiques » rédigé par l’ACPR. Bien que commençant à dater quelque peu (juillet 2016), il présente les principaux indicateurs de risque en assurance. Il est disponible à l’adresse suivante : https://acpr.banque-france.fr/indicateurs-de-risque-et-vulnerabilites-en-assurance-sur-donnees-historiques.

        Meilleures salutations,

        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

      1. Bonjour,

        Cette information figure dans le « Document d’enregistrement universel » publié par chaque banque. Il est généralement téléchargeable directement depuis le site internet de la banque.

        Meilleures salutations,

        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

      1. Bonjour,

        Tout dépend de quel point de vue vous vous situez. Les autorités bancaires et monétaires tentent de gérer ces risques en réglementant ce type d’activités. Les entreprises et les investisseurs ont, quant à eux, de nombreux moyens de gérer ces risques. Ils peuvent, par exemple, avoir recours à des produits dérivés.

        Meilleures salutations,

        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

        1. bonjour.
          j’espère que vous vous portez bien ?
          j’aimerai savoir quelles sont les mesures de couverture de risques de liquidités ? s’il vous plait

          1. Bonjour,
            Il existe de très nombreuses façons pour un établissement bancaire d’améliorer ses ratios de liquidité : mettre en place un cadre comptable de suivi du risque de liquidité, conserver des actifs liquides de « haute qualité », etc. Vous trouverez l’ensemble des recommandations du Comité de Bâle à l’adresse suivante : https://www.bis.org/publ/bcbs144_fr.pdf
            Meilleures salutations,
            L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    5. bonsoir j’aimerais savoir aujourd’hui avec tous ses nouvelle accords de balle III qu’elle est la meilleur formule de calcul de ratio de liquidité de maniere général

      1. Bonjour,
        Le Comité de Bâle a défini deux ratios de liquidité : un à court terme, l’autre à long terme. Le premier compare les encours d’actifs liquides dits de « haute qualité » aux sorties nettes de trésorerie sur les 30 jours suivants, tandis que le ratio de liquidité de long terme met en relation le montant du financement stable disponible et le montant de financement stable exigé. Pour une présentation plus technique de ces deux ratios, vous pouvez consulter la documentation du Comité de Bâle disponible à l’adresse suivante : https://www.bis.org/publ/bcbs238_fr.pdf
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

      1. Bonjour,
        Le calcul du ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR) est particulièrement technique. Nous vous renvoyons pour les détails à la notice explicative éditée par le Comité de Bâle et disponible à l’adresse suivante : https://www.bis.org/publ/bcbs271_fr.pdf
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

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