Comment, dans le domaine de la finance, établir ce qui est éthiquement acceptable et ce qui est éthiquement condamnable ?

la finance pour tous

La chose n’est pas aussi simple qu’on pourrait a priori le croire. Certes la tromperie, le vol, le fait de tirer un bénéfice personnel d’informations privilégiées peuvent être clairement identifiés comme des manquements à l’éthique. On peut faire référence au système de la vente pyramidale et à l’affaire Madoff ou à certaines mises en cause de la banque Goldman Sachs dans la crise grecque ou dans les subprimes.

Dans d’autres cas, le jugement n’est pas si facile.

La spéculation est-elle contraire à l’éthique ?

Si l’on considère qu’est spéculation « toute opération sur des biens meubles ou immeubles en vue d’obtenir un gain d’argent de leur revente ou de leur exploitation » (définition du Larousse), tout épargnant est un spéculateur. En réalité, cette première définition est trop large. Elle n’aide pas à identifier le problème avec précision.

Spéculer ce n’est pas simplement effectuer un placement financier, ou réaliser un investissement par nature incertain et prendre un risque. Si l’on considère de façon plus restrictive la spéculation comme « l’achat effectué dans l’espoir d’un gain important et rapide d’un actif dont le prix est particulièrement fluctuant,… un spéculateur se caractérise alors par une préférence pour le risque nettement plus élevée que la moyenne des acteurs économiques » (Pierre-Noël Giraud, 2002).

Pour sa part, l’économiste britannique John Maynard Keynes avait différencié la « spéculation », c’est-à-dire la recherche de l’enrichissement rapide, de « l’entreprise », c’est-à-dire l’investissement à long terme. Il avait désigné « par le terme spéculation, l’activité qui consiste à prévoir la psychologie du marché et par le terme entreprise, celle qui consiste à prévoir le rendement escompté des capitaux pendant leur existence entière » (Théorie Générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie, 1936).

Ainsi délimité le procès paraît clos et la spéculation forcément éthiquement condamnable. Mais il faut affiner l’analyse.

Les spéculateurs prennent des risques dont d’autres acteurs économiques veulent se débarrasser. Ils sont à ce titre très utiles là où les incertitudes sur l’évolution des prix de certains produits (matières premières, et produits de base), celle des taux de change ou celle des taux d’intérêt pourraient limiter ou bloquer nombre de productions.

Ainsi par exemple, l’entreprise Airbus vend ses avions à un prix fixé en dollars. Mais elle doit payer au fur et à mesure ses fabrications en euros, du moins celles effectuées dans cette zone monétaire. Elle a donc besoin de se protéger contre une évolution négative du dollar par rapport à l’euro. Elle doit, comme on dit ,« se couvrir » contre le risque de change.

Il existe des couvertures de ce type, (on les appelle des produits dérivés) sur les taux d’intérêt ou sur l’évolution des prix notamment des matières premières pour se protéger contre la hausse si on transforme les matières premières, ou contre les baisses de prix si on les produit. « Si les entreprises se protègent contre le risque-prix, il faut que quelqu’un assume ce risque ; et c’est là qu’interviennent les « spéculateurs ». Sans eux, pas de marché à terme. Ces derniers font des paris sur les évolutions des prix futurs… Pas de marché à terme protecteur sans spéculateurs nombreux ». (Jean Yves Naudet, 2008)

La spéculation est donc nécessaire au bon fonctionnement des marchés. Mais poussée à l’excès, elle devient déstabilisante et les spéculateurs s’enrichissent des effets de la déstabilisation et ou de la crise, qu’ils ont contribué à provoquer.

Au cours des crises économiques, les positions spéculatives sur les matières premières et l’énergie sont soupçonnées de contribuer à la hausse vertigineuse du prix des matières premières, y compris des denrées de base, au détriment des populations des pays les plus pauvres.

Les spéculations à partir des CDS (credit default swap) dont le développement a été considérable depuis le milieu des années 1990, sont également éthiquement très contestables. Il s’agit de sortes d’assurances contre un défaut de paiement d’une dette. Lorsqu’un spéculateur achète des CDS sur des titres qu’il ne possède pas – comme cela s’est passé par exemple dans le cadre de la crise de la dette grecque, cela revient un peu à prendre une assurance sur une maison que l’on ne possède pas. Le détenteur d’une telle assurance a évidemment moins de réticence à ce que la maison prenne feu !

0 commentaire

Commenter