L’impact de Bâle III sur le secteur bancaire et sur le financement de l’économie

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Si la mise en œuvre des accords de Bâle III s’est traduite par une hausse sensible des besoins en fonds propres des banques, son impact sur la distribution du crédit aux entreprises non financières et sur la croissance économique est plus difficile à cerner.

L’impact sur les fonds propres des banques

La réforme engagée, par le renforcement des niveaux de fonds propres pondérés des risques qu’elle prévoit, aboutit mécaniquement à imposer au secteur bancaire une mobilisation massive de capitaux.

Plusieurs études ont été conduites à ce sujet, notamment sur le secteur bancaire européen. Bien qu’elles avancent des chiffres différents, toutes concluent à des besoins en fonds propres substantiels.

Ainsi, selon une étude publiée par Mc Kinsey & Company en avril 2010 (Basel III : What the draft proposals might mean for European Banking, 700 milliards d’euros devaient être mobilisés à cette date par l’ensemble des banques européennes pour respecter la seule norme établie par le ratio d’adéquation des fonds propres (Core Tier 1 et Tier 1) dont 200 milliards d’euros pour les 16 premiers groupes bancaires européens.

En 2011, l’Institute of International Finance, qui représente l’industrie financière mondiale, estimait à quelque 1 300 milliards de dollars le coût du passage à Bâle III pour le secteur bancaire.

Le Comité de Bâle chiffrait en 2012 à environ 115 milliards d’euros le besoin total de fonds propres des 101 grandes banques mondiales actives à l’international pour assurer le respect d’un ratio de Core Tier 1 de 7 % (ratio minimum + coussin de sécurité) à l’horizon 2019. 

Et sur le financement de l’économie

Pour certains, les effets cumulés des nouvelles normes de solvabilité et de liquidité pourraient aboutir à contracter l’offre de crédit bancaire ce qui, compte tenu de l’importance de cette source de financement pour l’économie européenne, pourrait se révéler néfaste à la croissance du Vieux Continent.

Les craintes d’une contraction de l’offre de crédit aux PME et aux ETI

La définition plus restrictive des fonds propres ainsi que le durcissement des normes des ratios rapportant les fonds propres réglementaires aux risques pondérés pourraient, selon certains économistes, conduire les banques à réduire leur exposition aux risques pondérés les plus élevés, et donc les plus consommateurs de fonds propres, au premier rang desquels se situent les crédits aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).

En outre, le ratio de liquidité de court terme, qui vise à s’assurer que les banques disposent de suffisamment d’actifs liquides sur une période de 30 jours, incite les établissements de crédit à acquérir de la dette souveraine plutôt que de la dette « corporate« , plus risquée et moins liquide.

De même, le ratio de liquidité de long terme oblige les banques à disposer de ressources stables, alors que leur métier traditionnel s’exerce justement à travers leur rôle de transformation (les banques accordent essentiellement des prêts à moyen long terme mais elles se financent à court terme via les dépôts, la collecte d’épargne liquide ou le recours au marché monétaire).

De fait, le coût de leurs ressources devrait s’accroître et leur rôle d’intermédiation se réduire. Selon ce scénario, les banques seraient ainsi amenées à répercuter la hausse du coût de leurs refinancements sur les taux des crédits qu’elles octroient aux particuliers ou aux entreprises.

La réalité observée, et sa pertinence

Malgré les nombreux doutes exprimés, la réalité est pour l’instant assez épargnée d’un effondrement du crédit. Les réformes de Bâle III n’ont pas freiné fondamentalement l’offre de crédit.

Certes, les banques avec le moins de réserves au moment de la promulgation des réformes ont pu connaître des ralentissements temporaires.

Mais sur le long terme, ces différences se sont atténuées sans que l’offre et le prix du crédit n’en souffrent. Cela étant, l’évaluation des conséquences de la régulation de Bâle au long-terme est rendu très difficile par la situation financière exceptionnelle des années 2010 et 2020. En effet, en même temps que l’application de Bâle III, les grandes banques centrales ont implémenté des politiques monétaires très accommodantes : baisse des taux à des niveaux inédits, politique de rachats de titres… Ces politiques monétaires avaient pour objectif de relancer à tout prix l’inflation et le crédit.

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Les banques privées se sont ainsi retrouvées avec une quantité colossale de réserves (la fameuse « monnaie banque centrale »), qui sont les ressources indirectes leur permettant d’offrir des prêts aux acteurs économiques. Autrement dit, les banques n’avaient aucun problème à se conformer aux ratios de fonds propres ou à proposer leurs services aux ménages et entreprises. Le problème, à l’époque, était une faiblesse de la demande de crédit, non d’offre.

Ainsi, la période traversée jusqu’à présent est-elle pertinente pour évaluer l’impact de Bâle III sur l’activité des banques ? La réponse n’est pas si claire. A présent, dans un monde rythmé par des guerres commerciales, des tensions géopolitiques, et les potentiels épisodes inflationnistes, peut-être que l’offre de crédit sera moins élastique à la demande. Et alors, peut-être verront nous un impact plus fort de la régulation sur le modèle bancaire.

    22 commentaires sur “L’impact de Bâle III sur le secteur bancaire et sur le financement de l’économie”
    1. Bonjour, dans le cadre de mon master j’aimerais écrire mon mémoire sur l’Impact de la transposition des dispositions de Bale II /Bale III sur l’activité des établissements de crédit. Vous vous me donner quelques pistes svp ? merci

      1. Bonjour,
        Vous pouvez débuter vos recherches par la lecture des études que nous citons ci-dessus. L’étape suivante sera de rechercher les nouveaux articles publiés sur le sujet. Pour cela, vous pouvez vous aider de Google scholar et notamment de sa fonction « citation ».
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    2. Cher responsable,
      Qu’en est il de Bale IV ou du moins Bale III, finalisé? Q’est ce qui à changé exactement entre les deux? Puis je avoir une lecture à ce propos? merci

      1. Bonjour,
        Les derniers éléments de Bâle III, qualifiés de « réformes de l’après-crise » et intégrant notamment des révisions quant au calcul des actifs pondérés en fonction des risques (RWA), ont été publiés en décembre 2017. Ils sont entrés en vigueur le 1er janvier 2023. Pour suivre le calendrier de mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de Bâle III, vous pouvez consulter le tableau de bord établi par la BRI et disponible à l’adresse suivante : https://www.bis.org/bcbs/implementation/rcap_reports.htm
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    3. Dans le cadre de mon master, je réalise un mémoire et j’étudie l’évolution et l’impact des accords de Bâle sur le système financier, alors merci pour votre article.
      Cependant je cherche quelques chiffres, qui montrerais l’impact des accords de bâle sur l’évolution des risques bancaire, puisque c’est le rôle premier de ces accords.
      et je ne trouve pas de chiffre sur l’évolution de ses risques (en fonction de l’évolution deces ratios)

    4. Bonjour
      Ce n’est un secret pour personne que les banques achètent de l’or depuis quelques années !
      Quel sera le role de l’or après juin 2021 pour les banques ?

      1. Bonjour,
        Des banques, comme d’autres acteurs économiques, ont effectivement acheté de l’or, considéré comme une « valeur refuge » pendant les épisodes de crise. Il est, par ailleurs, bien difficile de prédire aujourd’hui quelle sera l’évolution du cours de l’or dans les mois à venir. Celle-ci devrait toutefois être, dans une certaine mesure, liée à l’évolution de la situation sanitaire.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    5. bonjour. que vous inspire ce thème de mémoire?: »Les impacts de la réglementation prudentielle sur la gestion de bilan des banques  »

      1. Bonjour,
        Il serait vain d’essayer de résumer dans ce commentaire les enjeux de ce sujet, intéressant mais particulièrement vaste ! Si vous débutez vos recherches, nous vous conseillons la lecture du rapport suivant consacré aux « Principes fondamentaux de la règlementation financière », disponible à l’adresse suivante : https://www.princeton.edu/~markus/research/papers/Geneva11.pdf
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    6. Les contraintes reglementaires des accords de bâle vont exclure certaines entreprises des prêts bancaires. Ces dernieres se tourneront vers d’autes modes de financement tel le crowdfunding et plus précisément l’equity-crowdfunding.
      On remarque également que de plus en plus de banques s’associent à des plateformes de crowdfunding.
      Est-ce que l’on peut penser que les banques trouvent par ces plateformes un positionnement qui est rendu impossible par les accords de bâle? donc autrement dit, est ce que ces partenariats permettraient aux banques de « déroger » à toutes les conditions requises par ces accords?

      1. Bonjour,
        Nous manquons d’expertise en matière de régulation bancaire pour vous fournir une réponse précise. Cependant, il nous semble que les montants concernés par le crowdfunding sont trop faibles pour permettre un quelconque « contournement » des accords de Bâle.
        Meilleures salutations
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

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