Bâle II

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Bâle II, présenté en 2004 et implémenté en 2008, est le second grand accord du comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Il repose alors sur trois piliers. Bâle II est à appréhender comme une grosse mise à jour de Bâle I, rendant le cadre de régulation bien plus complet, et complexe. Cependant, il s’agit également d’une régulation morte dans l’œuf : la crise des subprimes, surgissant au moment de son implémentation, met en lumière ses angles morts, qui seront refermés dans les années suivantes par Bâle III.

Pilier 1 : les exigences minimales de fonds propres

Retour sur le ratio Cooke

Dès 1988, le ratio Bâle I (ou ratio Cooke) est créé pour limiter le risque de crédit, c’est-à-dire le risque de non-remboursement associé à un prêt accordé par une banque. Égal à 8 %, ce ratio se mesure en comparant le montant de ses fonds propres réglementaires au niveau des engagements d’une banque (crédits et autres engagements, notamment ceux figurant hors-bilan).

Ces engagements sont pondérés en fonction du risque de crédit (0% pour les emprunts d’État de pays de l’OCDE, 20% pour les prêts interbancaires, 50% pour les crédits hypothécaires, 100% pour les autres actifs), et les fonds propres doivent représenter au minimum 8% de ces actifs pondérés.

Les fonds propres réglementaires comprennent les capitaux propres (fonds propres de base composés essentiellement du capital social et des réserves) et les fonds propres complémentaires (qui comprenaient notamment les provisions générales, les titres subordonnés à durée indéterminée et les obligations subordonnées convertibles ou remboursables en actions).

Ratio Bâle I / Cooke : Fonds Propres / Actifs pondérés du risque de crédit ≥ 8%

Bien que le ratio Cooke soit fondateur, il montre ses limites dès les années 1990. Deux choses lui sont reprochées : d’une part, les pondérations pour mesurer les risques associés aux actifs semblent arbitraires, et ne se prêtent pas à la diversité des établissements et des situations. D’autre part, le risque de crédit, bien qu’incontournable, ne constitue que l’un des risques auxquels les banques sont exposées.

Le ratio McDonough en bref

Le ratio Cooke est remplacé par le ratio McDonough, plus complet sous trois aspects :

  • Les actifs sont pondérés du risque de crédit, mais également du risque de marché et du risque opérationnel associé. Le risque de marché est lié aux baisses de valeur potentielles des actifs financiers. Le risque opérationnel est lié à l’inadéquation ou une défaillance de procédures, de personnes et de systèmes internes ou d’événements extérieurs (comme un piratage ou une erreur de saisie).
  • Les risques peuvent être estimés par plusieurs approches, globalement séparées en deux catégories : les approches standard/externes, prenant appui sur des paramètres définis par les régulateurs (parfois en s’appuyant sur les notes des agences de notations), et les approches avancées/internes, permettant aux grands établissement de développer leurs propres méthodes.
  • Il s’applique à maintenant trois Tier de capitaux, au lieu de deux.

Pondération des risques

Les actifs pondérés des risques totaux sont simplement la somme des actifs pondérés de chaque risque pris séparément. Nous avons donc :

Ratio Bâle II / McDonough : Fonds Propres / (Actifs pondérés du risque de crédit + Actifs pondérés du risque de marché + Actifs pondérés du risque opérationnel) > 8%, dont Fonds Propres T1 / Actifs Pondérés > 4%.

Nouvelles définitions des fonds propres

En outre, des exigences supplémentaires sont introduites en matière de composition des fonds propres :

  • Le premier ratio dit « Tier 1 », au minimum égal à 4 % des risques, doit comporter du capital sans risque. Il ne prend en compte que les actions émises et les bénéfices non distribués.
  • Le second, dit « Tier 2 », lui aussi au minimum égal à 4 %, intègre des éléments de fonds propres complémentaires qui ne peuvent toutefois excéder 100 % des fonds propres pris en compte dans le « Tier 1 ». Il est constitué de réserves non affectées, d’écarts de réévaluation d’actifs, de provisions, d’instruments hybrides et de dettes subordonnées de long-terme.
  • Le troisième, dit « Tier 3 », comprend les dettes subordonnées de court terme. Il s’agit de dettes remboursées après toutes les autres en cas de faillite, et qui peuvent donc être assimilées, dans une certaine mesure, à du capital. Ce Tier 3 ne sert pas à couvrir la banque contre le risque de crédit et le risque opérationnel, mais seulement contre une partie du risque de marché, qui est donc déduite des actifs pondérés du risque dans le calcul du ratio.

    Pilier 2 : une procédure de surveillance prudentielle

    Le deuxième pilier des accords de Bâle II organise un dialogue structuré entre les superviseurs bancaires et les établissements financiers placés sous leur contrôle.

    À cet effet, il prévoit la mise en place par les banques elles-mêmes de processus internes de suivi et de calcul des risques (y compris ceux du pilier 1) et des besoins en fonds propres associés.

    Les superviseurs sont ensuite chargés de confronter leur propre analyse du profil de risque de l’établissement avec celle conduite par la banque et, en fonction de leurs conclusions, d’engager des actions. Ils peuvent notamment exiger que la banque renforce ses fonds propres au-delà du ratio minimum de fonds propres exigé par Bâle II.

    Pour calculer les pondérations, les banques peuvent s’appuyer soit sur des modèles standards fournis par le régulateurs, soit sur des modèles développés en interne. La fixation des pondérations est l’un des enjeux majeurs, encore aujourd’hui, des débats sur la réglementation de Bâle, les lobbys bancaires préférant mettre en avant les méthodes internes. Ceux-ci seraient plus flexibles, et plus adaptées au fonctionnement de chaque établissement. Les critiques reprochent cependant aux modèles internes d’être opaques, et biaisés pour permettre aux établissements de prendre plus de risques. Dans Bâle III, le niveau de fonds propres calculé via modèle interne ne soit pas inférieur à 72,5 % des exigences prévues par le modèle standard, afin d’éviter une prise de risque trop importante par les établissements.

    Il est également à noter que Bâle II introduit, dans son deuxième pilier, un pouvoir discrétionnaire du régulateur pour augmenter le plancher de fonds propres au cas par cas. L’objectif est de s’assurer que les banques soient couvertes face à d’autres risques (risque de concentration, risque de liquidité…) qui ne sont pas mesurés par le ratio McDonough. Ce pouvoir discrétionnaire, intégré en tandem avec un processus interne d’évaluation des autres risques (ICAAP, pour Internal Capital Adequacy Assessment Process), anticipe les évolutions établies sous Bâle III. 

    Pilier 3 : La discipline de marché

    Le pilier 3 vise à instaurer des règles de transparence financière en améliorant la communication d’informations au grand public sur les actifs, les risques et leur gestion.

    L’objectif sous-jacent est d’uniformiser les pratiques bancaires en matière de communication financière et de faciliter ainsi la lecture des informations comptables et financières des banques d’un pays à l’autre.

    L’héritage de Bâle II

    L’implémentation de Bâle II, à partir de 2008, a lieu juste avant la crise des subprimes, qui remet directement en cause certaines partie du cadre de réglementation. Sont reprochées au cadre Bâle II notamment :

    • Une réglementation procyclique: la valeur du ratio de fonds propres évolue mécaniquement avec les phases du cycle économique et financier. Dans les phases où le marché se porte bien, les modèles de pondération du risque tendent à faire baisser la valeur des actifs pondérés du risque. Cela permet ainsi aux banques de réduire leurs fonds propres, alors même qu’une instabilité financière latente se développe.
    • La sous-estimation du risque de crédit: le modèle d’estimation du risque de crédit porte, sous Bâle II, avant tout les conséquences du défaut « effectif » de la contrepartie. Or, pour beaucoup de contrats financiers (produits dérivés, prêts de titres, prises en pension…), la simple dégradation de la solvabilité de la contrepartie contribue à la perte de valeur de l’actif. Autrement dit, même si la contrepartie ne fait pas défaut, une baisse de solidité financière fait perdre de la valeur à l’actif de la banque.
    • La difficulté d’estimation du risque opérationnel: les modèles d’estimation du risque opérationnel sont considérés, sous Bâle II, comme trop complexes, assez partiaux, peu fiables, et peu comparables entre institutions.
    • La complexité et les arbitrages des modèles internes: de manière générale, les versions internes des modèles d’évaluation des risques sont considérées comme de vraies usines à gaz et manquant de transparence, permettant potentiellement aux banques de faire « ce qu’elles veulent », puisque leur contrôle demande des ressources colossales au régulateur.

    Cependant, de nombreuses évolutions de Bâle II seront ensuite reprises par Bâle III à partir de 2010, notamment le Tier 3 de capital, la pondération par différents risques, les choix de modèles pour les établissements bancaires…

      38 commentaires sur “Bâle II”
      1. Bonjour,
        Je n’écris jamais de commentaire, mais là je tenais à le faire tant votre article est bien écrit et compréhensible par tous.
        Les exemples apportent un vrai plus ! Merci beaucoup

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