Pourquoi la restructuration de la dette grecque est elle dangereuse ?

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Cet article et l’ensemble de ceux composant ce dossier ont été rédigés au moment de la crise de la zone euro. Ils doivent être considérés en se plaçant dans le contexte de l’époque.

Ce décryptage a été rédigé à l’époque du pic de la crise de la dette publique grecque. Il permet d’analyser les événements tels qu’ils ont été vécus sur le moment. 

Une restructuration de dette consiste en une redéfinition des créances en vue d’obtenir leur diminution.

Elle peut prendre des formes multiples non exclusives les unes des autres : abandon partiel de la dette, abaissement des intérêts, modification de l’échelonnement du paiement des intérêts, allongement de la durée des créances détenues.

S’agissant de la Grèce, l’opération est lourde de dangers justifiant l’opposition d’acteurs aussi importants que le gouverneur de la Banque Centrale Européenne, Jean-Claude Trichet.

Quels sont les risques ?

Creuser encore le trou de l’État grec, obligé de soutenir

La dette grecque est détenue pour un tiers par le secteur bancaire grec qui est fragile au vu des tests de résistance bancaire rendus publics en juillet 2011. Si elles doivent comptabiliser des pertes sur les titres de la dette grecque qu’elles détiennent, elles risquent la faillite et en tout état de cause elles devront être recapitalisées. Elles auront du mal à trouver des investisseurs privés pour cela et devront s’adresser à l’État grec. Ce serait creuser un trou pour en boucher un autre.

En revanche, pas vraiment de menace sur les banques européennes

En fonction des modalités de la restructuration, l’ensemble des institutions financières devraient enregistrer plus ou moins la perte subie. Compte tenu des dettes détenues par les principaux établissements bancaires européens, notamment français, cela parait cependant tout à fait soutenable :

Ratio Core Tier1 = rapport entre les fonds propres durs et les actifs pondérés par les risques

Même si elles devaient enregistrer une perte de 60 % sur la dette publique grecque détenue, ce qui est une hypothèse forte, les banques françaises ont largement les fonds propres exigés pour couvrir leurs risques (5 %) y compris si l’on ajoute cette hypothèse aux hypothèses du scénario défavorable du test de résistance bancaire rendu public en juillet 2011.

Les dangers s’accroissent si les modalités de la restructuration peuvent être considérées comme un « évènement de crédit » et déclencher le paiement des contrats d’assurance CDS contre le défaut de la dette grecque. Leur montant global est estimé à quelque 78 milliards d’euros (les banques françaises sont pour leur part très peu ou pas du tout exposées à ce risque).

Au total, les banques, même si elles ne risquent pas d’être replongées dans une crise systémique par l’effet d’une restructuration de la dette grecque, font valoir que cela pèserait négativement sur leurs conditions de crédits aux entreprises et aux ménages.

Mais un risque majeur de contagion

Risque de contagion des autres pays du sud de l’Europe

Si la Grèce restructure ses dettes, cela risque de renforcer l’idée qu’il faudra en venir là également pour d’autres pays pour lesquels peut subsister un doute sur leur capacité à restaurer la solvabilité de leur État en conjuguant plan d’austérité et retour à une croissance soutenue.

Le Portugal, et l’Irlande à un moindre degré sont en première ligne, mais l’Espagne et l’Italie peuvent être également visées ce qui aurait des conséquences systémiques, compte tenu de l’ampleur de leur dette publique.

Exposition des quatre principales banques françaises aux dettes souveraines de quelques pays

(en millions d’euros)

 

BNP Paribas

Société Générale

BPCE

Crédit Agricole

Grèce

4 996

2 651

1 262

655

Irlande

497

442

312

135

Portugal

2 033

631

319

1 109

Espagne

3 900

2 220

380

2 772

Italie

24 114

3 341

3 497

10 123

(Source : Banque de France résultats des tests de résistance 2011)

Risque de contagion sur la BCE

La banque Centrale Européenne a joué un rôle important dans tous les plans de sauvetage depuis 2008.

Le traité de l’Union Européenne lui interdit d’acheter directement de la dette publique émise par les États membres et il prévoit qu’elle peut prêter aux banques dans la mesure où les prêts sont fondés sur des garanties « adéquates ».

Dans la pratique, jusqu’en 2008, les actifs pris en garantis des prêts devaient être noté au moins A par les agences de notation.

1er dérogation à partir d’octobre 2008 dans le cadre du sauvetage des banques face aux conséquences de la faillite de Lehman Brothers : la BCE accepte en garantie des actifs allant jusqu’à la note BBB.

2ème dérogation en 2010 : elle accepte des titres de la dette publique grecque et irlandaise détenus par des investisseurs et ce indépendamment de leur note. Elle a récemment étendu ce dispositif au Portugal dans le cadre du plan de sauvetage de celui-ci.

Les banques ont ainsi consigné quelque 50 milliards d’euros de dette grecque auprès de la BCE. Elle a par ailleurs accordé d’importants prêts aux banques en difficulté dans ces pays. La BCE serait mise elle même en grave difficulté financière en cas de faillite de ces banques ou si elle devait enregistrer dans ses comptes un défaut sur les titres de dettes publiques prises en garantie.

Il lui faudrait alors être recapitalisée par les États membres de la zone Euro et sa légitimité pourrait être gravement mise en cause. Sans compter d’éventuelles mises en cause juridique de ses dirigeants. C’est pourquoi la BCE a fait part de son opposition à une restructuration de la dette grecque affirmant qu’elle n’accepterait pas d’obligations décrétées en défaut comme garantie de ses prêts.

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