Démembrement de propriété : un outil d’optimisation fiscale

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Nouveauté. La loi de finances pour 2019 (article 109 – devenu l’article 64 a du code des procédures fiscales) a légèrement modifié le régime de l’abus de droit, qui ne caractériserait plus désormais les actes réalisés dans un but exclusivement fiscal mais également ceux réalisés dans un but principalement fiscal. Toutefois, cela ne concerne pas les transmissions anticipées de patrimoine, notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis.

Le démembrement de propriété est un acte juridique qui consiste à diviser la pleine propriété en nue-propriété et usufruit. C’est un mécanisme souvent utilisé en famille lors d’une donation ou d’une succession. Son principal avantage est de réduire les coûts fiscaux.

D’un côté, l’usus (droit d’utiliser le bien) et le fructus (droit d’en percevoir les fruits) pour l’usufruitier, de l’autre côté l’abusus (droit de disposer du bien) pour le nu-propriétaire. Les droits démembrés sont indépendants l’un de l’autre, mais ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire ne peuvent procéder seuls à la vente du bien démembré. L’accord des deux est obligatoire pour céder la pleine propriété du bien.

Le démembrement prend fin au décès de l’usufruitier : à ce moment, le nu-propriétaire devient l’unique propriétaire du bien sans droits de succession à payer. Il peut alors l’occuper, le louer ou encore le vendre. On dit alors qu’il y a remembrement de la propriété. C’est une formule très utilisée qui permet de préparer sa succession tout en s’assurant de conserver la jouissance du bien. Il est à noter qu’en cas de décès du nu-propriétaire, la nue-propriété est transmise aux héritiers et entre dans la succession, pour la valeur de la nue-propriété seule.

Usus, Fructus et Abusus…

Le démembrement est un mécanisme juridique qui s’applique sur les droits de propriété. Il trouve son origine dans la théorie juridique des trois composantes du droit de propriété que sont l’usus, le fructus et l’abusus.

L’usufruitier peut soit utiliser le bien pour son propre usage, soit le donner en location et en percevoir les loyers.

Le nu-propriétaire conserve le droit de disposer du bien en respectant les droits de l’usufruitier.

Le démembrement

 

Il y a démembrement lorsque les trois attributs de la propriété (droit d’utiliser le bien, droit d’en disposer et droit d’en percevoir les fruits) ne sont pas réunis entre les mains de la même personne. Les droits d’usufruit et de nue-propriété peuvent être transmis soit par donation, soit par cession (on peut acheter ou vendre ces droits).

Un avantage fiscal non négligeable lors des donations

Le démembrement de propriété intervient la plupart du temps en famille. Il est ainsi possible de donner de son vivant la nue-propriété d’un bien à ses enfants par exemple, et d’en conserver l’usufruit. Cette solution permet de continuer à profiter du bien immobilier, c’est à dire d’y vivre ou de le donner en location pour en tirer un revenu, mais également de préparer « en douceur » la transmission de son patrimoine, en profitant des abattements fiscaux en vigueur.

Rappel : l’abattement sur le montant de la donation

Il est possible de donner, par parent et par enfant, la somme de 100 000 € tous les 15 ans (depuis le 31 juillet 2012), sans avoir à acquitter de droits de donation. Un couple avec deux enfants peut ainsi donner en franchise d’impôt la somme de 400 000 €.

Ce type de donation présente trois atouts :

  • les droits de donation sont réduits car ils ne sont pas calculés sur la valeur totale du bien mais sur la seule nue-propriété. Les valeurs respectives de la nue-propriété et de l’usufruit d’un bien sont fonction de l’âge du donateur au jour de la donation ; la valeur de la nue-propriété augmentant en même temps que l’âge du donateur.

Age du donateur

Valeur usufruit

Valeur nue-propriété

moins de 21 ans

90 %

10 %

de 21 à 30 ans

80 %

20 %

de 31 à 40 ans

70 %

30 %

de 41 à 50 ans

60 %

40 %

de 51 à 60 ans

50 %

50 %

de 61 à 70 ans

40 %

60 %

de 71 à 80 ans

30 %

70 %

de 81 à 90 ans

20 %

80 %

à partir de 91 ans

10 %

90 %

  • Avantage supplémentaire: le fisc admet que le donateur paie les droits et frais liés à la donation (normalement dus par le donataire), et que ces montants ne soient pas considérés comme une donation.
  • Au décès du ou des usufruitiers, les enfants récupèrent le bien en pleine propriété sans avoir de droits à payer

Un procédé souvent utilisé lors des successions

Le principe est le même que lors d’une donation. Il arrive en effet fréquemment que le conjoint survivant récupère l’usufruit des biens du conjoint décédé. Il arrive souvent qu’on donne ou qu’on lègue par testament l’usufruit de ses biens à son conjoint, les enfants recueillant par ailleurs la nue-propriété. En d’autres termes, le conjoint usufruitier peut utiliser tous les biens et en percevoir les revenus, par exemple habiter ou donner en location le logement familial. Ici encore, la valeur de la nue-propriété est fonction de l’âge de l’usufruitier (soit le conjoint survivant dans cet exemple), au moment du démembrement.

Depuis 2018, une personne qui dispose de l’usufruit d’un bien suite à la succession de son conjoint, déclare à l’IFI sa part d’usufruit non pas à sa valeur en pleine propriété  mais seulement à la valeur de son usufruit. Ce n’est pas le cas pour l’usufruitier qui a donné de son vivant la nue-propriété (par exemple à ses enfants). Il devra déclarer à l’IFI l’intégralité du prix du bien.

Comment se répartissent les charges entre usufruitier et
nu-propriétaire ?
Si le démembrement résulte d’une donation (et non d’un décès), l’usufruitier supporte l’intégralité des charges, qu’elles concernent l’entretien du bien ou les grosses réparations. En revanche, lorsqu’à la suite du décès d’un conjoint, le survivant récupère l’usufruit d’un bien immobilier, il n’a alors à assumer que les charges courantes.

La donation temporaire d’usufruit

La donation temporaire d’usufruit est particulièrement adaptée si vous souhaitez aider l’un de vos proches sans vous dépouiller, en même temps que réduire votre facture d’Impôt sur la Fortune Immobilière. Cette technique consiste à transmettre, pour une durée limitée, généralement 10 ans, la jouissance ou les revenus procurés par un bien. Vous conservez néanmoins la nue-propriété du bien. Par exemple, si l’un de vos enfants a du mal à se loger vous pouvez lui permettre d’habiter un de vos logements en lui en transmettant l’usufruit.

Trois avantages se présentent alors :

1- vous ne vous séparez pas du bien ;

2- le bien concerné sort de votre patrimoine pendant la durée de la donation ce qui vous permet de réduire votre IFI (si c’est un bien immobilier) ;

3- les droits de mutation sont limités : les droits à payer, pour un usufruit temporaire de 10 ans, sont calculés sur 23 % de la valeur en pleine propriété du bien. Vous pouvez payer ces droits en utilisant l’abattement accordé sur les donations entre vifs, rechargeable tous les dix ans (voir plus haut).

La donation peut être remise en cause par l’administration fiscale si celle-ci considère que l’usufruitier n’en tire pas un réel avantage. C’est le cas si vous transmettez temporairement l’usufruit d’un bien à un de vos enfants, alors que ce dernier bénéficie de revenus confortables. Si l’administration considère que le seul intérêt était de soustraire le bien au paiement de l’IFI, vous courrez le risque de vous faire redresser.

Par ailleurs, ce type de donation ne permet pas de préparer sa succession « en douceur » : à l’issue de la période prévue, l’usufruit s’éteint automatiquement. Le bien concerné fait à nouveau partie, en pleine propriété, du patrimoine du donateur. A son décès, les droits de succession devront alors être payés par les héritiers.

    289 commentaires sur “Démembrement de propriété : un outil d’optimisation fiscale”
    1. J’ai lu le commentaire de Achax du 27 12 2021 et votre réponse qui m’interpelle. Mon mari est décédé en septembre 2021. Ma fille unique est dans le même cas (nu propriétaire) et moi (usufruitière). La déclaration de succession a été effectuée début février 2022. Mais mon notaire me parle d’ouvrir un compte démembré pour réduire les frais de succession de ma fille, à mon décès, alors que vous précisez qu’il n’y en aurait pas. Merci de me répondre.

      1. Bonjour
        Demandez à votre notaire de vous expliquer les avantages, car à votre décès votre fille récupère la pleine proriété des biens sans frais de succession (sauf frais d’acte notariés). S’il s’agit d’un compte-titres, le compte démembré peut faciliter la gestion du portefeuille.
        Meilleures salutations
        L’équipe de lafinancepourtous.com

    2. Bonjour, je détiens un bien immobilier en indivision avec ma sœur. Est-il possible de donner la nue propriété de ma part à mes enfants ?
      Merci.

      1. Bonjour
        Oui bien sûr. C’est une solution pour réduire les droits de succession. Parlez-en avec votre notaire. Si vous n’avez pas fait de donation à vos enfants au cours des 15 dernières années et selon la valeur de la maison, l’opération peut être relativement indolore financièrement parlant.
        Meilleures salutations
        L’équipe de lafinancepourtous.com

    3. Bonjour,
      mon papa de 69 ans souhaite me faire une donation de son appartement de 300.000 euros, je suis seule héritière, et il ne possède aucune liquidité, et aucune donation n a été déjà faite.
      Nous allons avoir des frais de donation, malgré les 100.000 euros d’abattement.
      Ma question : s’il devait décéder avant 15 ans, est-ce cette donation retombe dans la succession ? Dois-je repayer par la suite ? Merci pour votre retour.

      1. Bonjour,
        Les donations réalisées moins de 15 ans avant le décès d’une personne sont effectivement intégrées au montant taxable de la succession.
        Meilleures salutations
        L’équipe de lafinancepourtous.com

    4. Bonjour,
      Que se passe-t-il lorsque le nu-propriétaire décède avant l’usufruitier, en situation de donation partage avec réserve d’usufruit svp ?
      Merci d’avance pour votre réponse.

      1. Bonjour

        La nue-propriété revient aux héritiers du nu-propriétaire. Et c’est au décès de l’usufruitier que ces derniers récupéreront la pleine propriété du bien.
        Meilleures salutations,
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

    5. Bonjour,
      D’abord bravo et merci pour la qualité de votre site et de vos réponses.
      Voici ma question:
      Concernant l’évaluation de la valeur d’un bien immobilier lors de la donation de la nue-propriété, j’ai lu qu’il était possible d’effectuer un abattement de 20% sur la valeur du bien avant l’application du barème fiscal usufruit/nue propriété en cas d’occupation du bien par le donateur usufruitier. (confirmé suite à une jurisprudence du 12 mai 2004)
      Ailleurs, j’ai lu que cet abattement de 20% n’était applicable pour les donations que lorsque le bien était occupé par un locataire (et non pas par donateur l’usufruitier).
      Auriez vous des infos à ce sujet ?

      Merci à vous et meilleur voeux

    6. nôtre pére à « légué à son épouse la plus forte quotité disponible entre epoux en toute propriété et usufruit de tous ses biens acquis et à acquérir » par testament ollographe et elle ns sollicite de régler sa taxe foncière majorée, que faire ? ns sommes 3 filles majeurs et une seule est solvable…est-ce légale ?

    7. Bonjour.
      Je suis fille unique, mes parents de 72 et 74 ans ont deux biens immobiliers, chacun ayant une valeur de 140 000 €.

      mes parents desirent me faire une donation.

      D’ici 10 ans, mes parents projettent de vendre l’un de ces biens (celui dans lequel je reside actuellement) afin que je puisse financer un achat immobilier.

      quelle serait selon vous la meilleure option à realiser sous peu :
      1- donation nu propriete des 2 biens ?
      2- donation pleine propriete du bien qui sera vendu dans 10 ans ?

      merci par avance pour votre aide
      bien cordialement

      1. Bonjour
        Les deux solutions sont possibles, mais la donation de la nue propriété permet de réduire les frais de donation (vous bénéficiez d’un abattement de 100 000 € sur chaque part). Contactez votre notaire pour en savoir plus.

        bien cordialement
        L’équipe de Lafinancepourtous.com

    8. Bonjour,

      Je suis devenue nue propriétaire d’un bien immobilier suite au décès de l’un de mes parents. Que se passera il lorsque le second décèdera ? Vais-je devoir payer des impôts ou droits de succession sur le bien et les actifs financiers ? Merci.

      1. Bonjour
        Au décès de vos parents, vous récupérez les biens en pleine propriété, sans impôts à payer sur la succession (hormis des frais d’actes notariés).
        Meilleures salutations
        L’équipe de lafinancepourtous.com

    9. Bonjour.
      Suite à donation, je suis nu propriétaire d’un appartement (résidence secondaire) dont mon père est l’unique usufruitier. J’ai une fille et deux garçons, les trois sont majeurs.
      Il n’y a pas eu de clause de retour lors de la donation. Fragile de santé, il est fort possible que je décède avant mon père. Puis-je par testament, léguer cette nu-propriété à mes enfants et ma femme (qui n’est pas leur mère) ? Et, encore plus complexe… dans mon testament, puis-je démembrer cette nu-propriété pour en léguer l’usufruit (qui s’appliquera donc seulement au décès de mon père) à mon épouse et ma fille, et la nu-propriété à mes deux fils ? Merci de votre réponse …

      1. Bonjour,

        Il est bien sûr possible que vous léguiez la nue-propriété que vous détenez à vos enfants et à votre épouse (en respectant globalement sur votre éventuel héritage les règles de répartition et notamment la réserve héréditaire de vos enfants).
        Votre autre question est plus délicate car l’usufruit ne vous appartient pas, il appartient à votre père. Si vous faites votre testament après le décès de votre père, vous pourrez bien sûr de nouveau démembrer dans votre testament la pleine propriété avec un usufruit réservé à votre épouse et à votre fille et la nue-propriété à vos fils (en tenant compte des mêmes contraintes légales dont la réserve héréditaire de chacun de vos enfants). Sinon, la réponse nous semble dépendre de qui a fait la donation. Si c’était vous, vous pouvez compléter les modalités de démembrement avec un usufruit successif, votre père puis votre épouse et votre fille et compléter par un testament transmettant la nue-propriété à vos fils. Si c’était votre père, il nous semble que c’est à lui d’agir pour l’usufruit. Dans ces 2 cas et aussi pour les autres cas non évoqués, nous vous invitons vivement à vous faire conseiller par un notaire.

        Meilleures salutations
        L’équipe de lafinancepourtous.com

    10. Bonjour
      Nous souhaitons demembrer notre residence principale. Mr 69 ans Mme 63 ans . Suite à Covid, notre maison a une valeur basse de 800 000 et haute de 900 000.
      1- Avons nous intérêt à déclarer la valeur haute ou la valeur basse ?
      2-« En cas de cession à 10 ans, sur quelle valeur nos 2 enfants NuProprieraires seront ils taxés en PValue? Sera ce la valeur de la nue propriété au moment de la donation ou au moment de la cession?
      3- Est ce alors quand même intéressant de demembrer si nous ne sommes pas sûrs de rester dans la maison jusqu à notre décès ?
      Merci.

      1. Bonjour
        Pour la valeur de votre maison, il est conseillé de ne pas trop la sous-estimer, au risque de voir l’adminstration fiscale requalifier l’opération. Ensuite, si vous vendez cette maison, vos enfants récupéreront la valeur de la nue-propriété et devront payer des impôts, sur la différence entre la valeur lors de la donation et le prix de revente.Il est conseillé de voir cette question avec votre notaire qui saura vous conseiller.
        Meilleures salutations
        L’Equipe de Lafinancepourtous.com

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