Droits de vote double

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Une action est un titre de propriété d’une fraction du capital d’une société anonyme auquel est le plus souvent attaché, outre le droit de percevoir un dividende, celui de voter en faveur ou contre les résolutions proposées lors de l’assemblée générale des actionnaires.

Concernant ce droit de vote, le principe qui prévaut en règle générale est celui « d’une action, une voix », le nombre de droits de vote étant strictement proportionnel au nombre d’actions détenues.

Toutefois, les statuts des sociétés anonymes peuvent permettre de déroger à cette règle en prévoyant la possibilité d’attribuer un droit de vote double pour certains actionnaires. Par ailleurs, la loi 2014-384 du 29 mars 2014, dite « loi Florange », instaure à partir du 3 avril  2016 le principe du droit de vote double pour les actions des sociétés françaises cotées détenues depuis au moins deux ans. Mesure qui n’est pas sans susciter des débats.

Le droit de vote double est déjà largement utilisé

Si la règle « une action, une voix » s’applique à la grande majorité des détenteurs d’actions, le principe du droit de vote double accordé à certains actionnaires est fréquemment prévu dans les grandes entreprises. Ainsi,  environ deux tiers des sociétés du CAC 40 et du SBF 120 l’ont adopté. A l’étranger, le droit de vote double existe aussi notamment aux États-Unis, en Suède ou en Italie.

Pour les entreprises qui décident de recourir à cette mesure l’intérêt est de fidéliser les actionnaires « stables », c’est à dire ceux qui sont le plus à même de souscrire à des augmentations de capital futures et à s’inscrire dans une logique de long terme. Il peut aussi s’agir de renforcer le pouvoir des gros actionnaires « de référence », ceux qui contrôlent effectivement l’entreprise par leur poids au capital, de façon à protéger l’entreprise de tentatives de prises de contrôle inamicales.

Concrètement, les sociétés cotées concernées par la mise en place du droit de vote double devront identifier ceux de leurs actionnaires qui auront conservé leurs titres pendant au moins deux ans. Ceci n’est possible que pour les actions détenues au nominatif, c’est à dire au registre de la société. Les titres au porteur, c’est à dire ceux détenus anonymement comme dans la plupart des cas en France, ne pourront bénéficier de cette mesure.

Une société cotée dispose d’un capital de 100 millions d’euros répartis en 10 millions d’actions.

Sur ces 10 millions d’actions, 3 millions sont détenues par trois actionnaires à raison d’un million d’actions chacun. Ces trois actionnaires disposent d’un droit de vote double, leurs titres étant détenus depuis plus de deux ans et conservés au nominatif par l’entreprise.

Les droits de vote à l’assemblée générale se calculent alors de la façon suivante :

  • Droits de vote ordinaire (une action, une voix) : 7 millions

  • Droits de vote double : les 3 actionnaires de référence disposent ensemble de 6 millions de droits de vote, à raison de 2 millions chacun.

  • Total des droits de vote : 7 millions + 6 millions = 13 millions de droits de vote

  • Les 3 actionnaires de référence ont ensemble 6/13e des droits de vote, soit 46,15 %, alors qu’ils ne possèdent que 30 % du capital

La loi « Florange » contre la finance court-termiste

Les pouvoirs publics justifient l’adoption de la loi « Florange » par la volonté de  « reconquérir l’économie réelle » au détriment de la finance court-termiste. L’idée étant, par l’attribution de droits de vote double au profit des actionnaires présents depuis au moins deux ans, de favoriser les actionnaires stables et défavoriser les fonds activistes qui visent la distribution maximale des profits sans se préoccuper des intérêts à long terme de l’entreprise. L’objectif de la loi est également de rendre les prises de contrôle hostiles des entreprises françaises plus difficiles.

Les critiques adressées à la loi Florange

Si la loi « Florange » devrait favoriser le développement de l’actionnariat de long terme et protéger les sociétés françaises des prises de contrôle hostiles, elle pourrait aussi décourager les investisseurs étrangers. Elle procure par ailleurs un avantage financier aux actionnaires de référence qui peut être considéré comme indu.

Un frein aux investissements étrangers ?

Le principal problème soulevé par la loi « Florange » réside dans le fait que pour pouvoir bénéficier des droits de vote double, il faut une inscription au nominatif. Or, cela peut entraîner une charge administrative supplémentaire, s’il s’agit du nominatif pur.

En effet, l’inscription au nominatif pur engendre pour l’investisseur une multiplication de comptes (une par société détenue), ce qui complexifie la gestion pour les plus actifs et pour les déclarations de revenus (un imprimé fiscal unique – IFU – par entreprise). Une façon d’échapper à cette contrainte est de mettre ses titres au nominatif administré.

C’est en partie ce qui explique que les investisseurs étrangers et les fonds communs de placement renoncent à l’effectuer. La mise en place du droit de vote double au profit des actionnaires au nominatif ne sera sans doute pas dissuasive pour les arbitragistes ou les traders  pour qui le droit de vote n’a pas d’intérêt.

Un avantage financier indu pour les actionnaires de référence

Les actionnaires de référence sont ceux qui détiennent une part importante du capital de l’entreprise, sans qu’ils soient nécessairement majoritaires. Dans le cas de sociétés cotées à l’actionnariat dispersé, il est fréquent de trouver plusieurs actionnaires de référence qui détiennent chacun entre 5 % et 10 % du capital.

Le fait de conférer à ces actionnaires de référence des droits de vote double revient à permettre à certains d’entre eux de renforcer leur pouvoir au sein de la société, sans avoir à débourser les sommes qui seraient nécessaires normalement pour racheter le nombre d’actions équivalent.

L’Etat fait notamment figure de grand bénéficiaire de la loi « Florange ». En effet, grâce à l’acquisition de droits de vote double dans les sociétés cotées dans lesquelles il est présent au capital, il pourrait céder pour plusieurs milliards d’euros de titres sans pour autant diminuer son influence sur les entreprises dont il est actionnaire.

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